Notre Père qui es aux cieux !
Que ton nom soit sanctifié ;
que ton règne vienne ; que ta volonté soit faite
sur la terre comme au ciel.
Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien ;
pardonne-nous nos offenses,
comme nous aussi nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ;
ne nous induis pas en tentation, mais délivre-nous du malin.
–Matthieu 6 :9-13
Un groupe important de personnes était réuni dans une maison d’une ville portuaire. Le bruit avait couru qu’un homme, dont le message touchait le cœur des gens, tenait un discours. De quoi pouvait-il bien parler pour provoquer une telle agitation ? De la repentance, de la renaissance et du pardon. Et en plus, il guérissait les gens.
Bien entendu, l’homme en question, c’était Jésus de Nazareth. Et la ville, c’était Capernaüm, sur les bords de la mer de Galilée.
Parmi les gens qui, à Capernaüm, souhaitaient voir Jésus, il y avait un homme paralysé au point de devoir être porté sur un lit par quatre hommes. Or, quand ils atteignirent la maison où se trouvait Jésus, la foule était si nombreuse qu’ils ne pouvaient s’approcher de lui. Ils devaient avoir beaucoup d’affection pour leur ami, et ils devaient être convaincus qu’il serait guéri s’ils pouvaient le mettre en présence de Jésus, car ils grimpèrent sur le toit, avec le lit, retirèrent une partie du revêtement de la toiture et firent descendre leur ami par cette ouverture.
Et après tous ces efforts, qu’est-ce que le Maître dit à l’homme ? « Mon enfant, tes péchés te sont pardonnés. » (Marc 2:5) Pourquoi lui dit-il cela ? Pourquoi parla-t-il de pardon à un homme qui cherchait désespérément à guérir de la paralysie ? Oui, Jésus guérit l’homme. Mais pourquoi lui assura-t-il d’abord qu’il avait été pardonné ?
Jésus n’acceptait pas l’évidence des sens physiques et son regard portait bien au-delà de ce qui apparaissait à la surface. Pour lui, si quelque chose était réel, c’est que cela avait été créé par Dieu. Dieu déclara que tout ce qu’Il avait fait était bon, y compris l’homme (c’est-à-dire tous les hommes et toutes les femmes) qu’Il avait créé à Son image et à Sa ressemblance. Lorsque quelqu’un venait à lui pour être guéri, Jésus ne voyait pas, comme tout le monde, un mortel souffrant. Jésus n’acceptait jamais cette façon de voir. A ses yeux, chaque individu était totalement bon, le reflet de la perfection divine. La théologie qui prévalait à l’époque affirmait que l’homme était né dans le péché. Si Jésus avait accepté cette vision erronée des choses, il n’aurait pas pu guérir qui que ce soit.
La guérison spirituelle en Science Chrétienne découle de cette vision de l’homme parfait, qui se trouve être aussi à la base du vrai pardon.
Alors pourquoi pardonner ? Parce qu’il est essentiel de pardonner pour voir spirituellement, pour guérir et se régénérer. La Bible nous indique que Jésus n’avait pas le choix. Il savait que Dieu avait déjà pardonné à l’homme, et Jésus ne pouvait pas se permettre de porter un faux témoignage contre son prochain. Quand nous comprenons cela, nous voyons qu’il est nécessaire de se repentir et de pardonner chaque jour, chaque fois que nous voyons ou que nous vivons quelque chose qui ne correspond pas à la création parfaite de Dieu.
J’ai grandi en Allemagne, alors qu’Hitler était au pouvoir. Pendant la guerre, la pratique de la Science Chrétienne était interdite. Mon père, qui était praticien de la Science Chrétienne et actif au sein de l’église, a été mis en prison puis relâché, mais contraint de servir dans l’armée allemande. A l’âge de dix ans, j’ai été obligé d’entrer dans les Jeunesses hitlériennes, comme tous les autres jeunes. C’était la loi. Mais après l’emprisonnement de mon père, j’ai refusé d’aller aux réunions ou d’avoir affaire avec cette organisation. En conséquence, j’ai passé la dernière partie de la guerre dans un camp de travaux forcés.
Après la guerre, notre famille à nouveau réunie, j’ai remarqué que mon père entretenait des rapports très amicaux avec un voisin qui avait été un membre actif du parti nazi. L’attitude de mon père m’indignait, et je lui en ai fait part. Si je me souviens bien, mon père m’a demandé si je pensais être en position de juger qui était digne d’être enfant de Dieu et qui ne l’était pas. Sur un ton catégorique, il a ajouté que si je désirais me voir comme la création parfaite de Dieu, je devais voir chaque personne de la même manière, sans exception. Je devais pardonner.
Je me souviens lui avoir rétorqué : « Je suppose que tu vas me dire que tu as pardonné à Hitler. » Il m’a clairement expliqué qu’il n’excusait en aucun cas les horreurs qui avaient été commises sous le régime nazi, et que les responsables devaient être punis. Toutefois cela n’excluait pas la nécessité de pardonner et de voir chacun tel que Dieu le voyait.
Une vingtaine d’années plus tard, j’étais moi-même devenu père de famille. Ma femme et moi avions eu trois fils et nous souhaitions adopter une fille. La procédure d’adoption exigeait que mon épouse et moi subissions un examen psychologique. A la fin du test, le psychologue a fait observer qu’à son grand étonnement j’avais peu de séquelles dues à ce que j’avais vécu pendant la guerre. J’en ai d’abord été très heureux. Cependant, plus j’y pensais, plus je me demandais pourquoi je devrais avoir des séquelles.
Si je désirais me voir comme la création parfaite de Dieu, je devais voir chaque personne de la même manière, sans exception. Je devais pardonner.
J’ai examiné mes pensées, et je me suis rendu compte qu’après toutes ces années, je faisais encore des cauchemars de temps en temps et qu’il m’arrivait parfois d’imaginer ce que je ferais subir à un ancien garde du camp, si j’en rencontrais un. J’ai réalisé combien ces pensées étaient irrationnelles. J’ai alors décidé de prier systématiquement et avec ferveur afin de me libérer de ces séquelles mentales.
J’ai concentré mes prières sur deux éléments. Le premier consistait à m’efforcer de voir que, dans la réalité divine, dans Son royaume, ni la guerre ni ses conséquences n’avaient jamais eu lieu. Je m’explique : j’ai vu que la guerre par laquelle j’étais passé faisait en réalité partie de l’« existence matérielle et du songe de cette existence », tel que la décrit Science et Santé avec la Clef des Ecritures (Mary Baker Eddy, p. 14). Et un songe ne peut jamais laisser de cicatrices sur la réalité. Si j’avais rêvé la nuit que j’étais poursuivi par un troupeau d’éléphants, à mon réveil, je ne me mettrais pas à chercher des traces de pas d’éléphants sur ma moquette.
Deuxièmement, j’avais maintenant acquis la maturité spirituelle me permettant de voir qu’il était nécessaire de pardonner sans réserve. Ce n’était pas logique de me déclarer libre des conséquences de la guerre, tout en gardant rancune aux personnes responsables de ce que j’avais vécu pendant cette époque. Il me fallait pardonner pour me libérer de ces séquelles, c’était une condition sine qua non. J’ai pensé à la prière de Jésus pour ceux qui l’avaient tourmenté et crucifié : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font. » (Luc 23:34)
Il s’est avéré finalement plus simple que je ne le pensais de pardonner au commandant et aux gardes du camp, ainsi qu’à beaucoup d’autres personnes. Il était clair à mes yeux que tous ceux qui s’étaient compromis avaient joué un rôle qui voilait la véritable identité que Dieu leur avait donnée.
Je me souviens m’être demandé si j’avais sincèrement pardonné. Après avoir beaucoup prié, je me suis dit qu’un bon moyen de le savoir consistait à me demander si j’étais capable d’aimer ces gens. J’ai été presque surpris de pouvoir répondre par l’affirmative. J’ai vu qu’en qualité d’enfant de Dieu, chacun d’eux était digne d’être aimé.
Jésus nous a enseigné à prier ainsi : « Pardonne-nous nos offenses, comme nous aussi nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. » (Matthieu 6:12) Dans Science et Santé, Mary Baker Eddy, qui a découvert la Science Chrétienne, nous a donné ce qui, selon sa compréhension, est le « sens spirituel de la Prière du Seigneur », et pour cette phrase, elle nous fournit cette interprétation : « Et l’Amour se reflète dans l’amour. » (voir pages 16 et 17). Ici, l’Amour avec un grand A est un nom pour désigner Dieu. Cet Amour divin nous réconforte et nous entoure sans cesse et, en tant que reflets de Dieu, nous n’en sommes jamais séparés. Il nous est donc naturel de refléter concrètement cet Amour et d’aimer tout le monde, quelle que soit la manière dont on nous a traités.
Quand j’étais dans le camp, j’avais été violemment fouetté pour avoir parlé sans autorisation. Le médecin du camp avait prédit que je garderais toute ma vie les cicatrices qui en avaient résulté. Comme elles étaient dans mon dos, je n’y pensais pratiquement jamais. Alors j’ai été d’autant plus surpris de découvrir un jour que ces cicatrices avaient totalement disparu, après m’être libéré mentalement de tout ressentiment et avoir été capable de pardonner sans arrière-pensée. Cela faisait plus de vingt ans que je les portais.
J’ai appris que je ne peux pas vivre ma perfection d’enfant de Dieu si je garde rancune à quelqu’un ou si je le critique. Si je chasse mon prochain du royaume à coup de pied, je le suis dans sa chute, pour ainsi dire.
C’est souvent le sentiment d’avoir l’apanage de la vérité qui nous empêche d’aimer sans réserve. J’ai appris à maintes occasions qu’il n’est pas toujours essentiel d’insister sur le fait qu’on a raison. Nous recevons beaucoup plus de bienfaits en voyant et en aimant le bien chez autrui.
Il faut quelquefois aussi se pardonner soi-même afin de surmonter une faute du passé qui semble peser sur le présent. Ce qui est beaucoup plus facile quand on se souvient combien ce Dieu qui nous aime est miséricordieux. Il n’y a qu’une seule chose à faire avec une faute, c’est de la corriger. Les fautes se corrigent une par une.
Il est important d’être parfaitement honnête avec soi-même, de détecter les pensées et les comportements qui demeurent mauvais ou erronés. Pourquoi s’accrocher à un excédent de bagages ? Cela ne fait que ralentir nos pas. La miséricorde divine ne nous épargne pas la nécessité de nous réformer.
Lors d’une allocution qu’elle prononça dans son église, en 1895, Mary Baker Eddy eut ces paroles puissantes : « Sans une connaissance de ses péchés et une repentance si sévère qu’elle les détruit, nul n’est ou ne peut être un scientiste chrétien. » (Ecrits divers 1883-1896, p. 107)
La repentance est essentielle. Une fois qu’on s’est profondément repenti d’une pensée ou d’un acte, qu’on a vu de quoi il s’agissait et qu’on y a renoncé, il est contre-productif de se blâmer et de continuer à en parler. Une fois qu’on s’est suffisamment repenti d’une erreur, on passe par une réforme. On est réformé et capable d’exprimer ce que l’on a toujours vraiment été. Et cette erreur, ce mauvais comportement, n’a jamais fait réellement partie de notre nature.
En faisant allusion à l’époque de Jésus, Mary Baker Eddy écrivit : « Aujourd’hui, comme jadis, des signes et des merveilles s’opèrent dans la guérison métaphysique de la maladie physique ; mais ces signes ne servent qu’à en démontrer l’origine divine, à attester la réalité de la mission plus haute du pouvoir-Christ, mission qui est d’ôter les péchés du monde. » (Science et Santé, p. 150) J’ai constaté qu’il est utile de prier pour moi-même chaque jour, de savoir que je ne peux avoir que les pensées que Dieu me donne à penser, et que je ne peux agir que de la façon dont Dieu me fait agir. Est-ce que cela comprend ce que je pense de mon quartier ou du monde ? Absolument.
Par certains aspects, l’humanité semble aussi paralysée que l’homme de Capernaüm. Si nous nous engagions collectivement à pardonner, cela contribuerait grandement à vaincre la résistance entêtée que le monde oppose aux solutions de paix, et nous verrions tous davantage de liberté.