Je venais d’atterrir au Togo avec un groupe d’amis. Nous nous sommes dirigés vers les guichets du contrôle d’identité. L’air chaud et humide nous changeait agréablement du climat hivernal de notre pays. Très vite, cependant, cette bonne impression a été gâchée par une incertitude : l’un de mes amis n’avait pas de certificat de vaccination. Avant notre départ, le consulat lui avait dit que cela n’était pas obligatoire. Mon ami a été conduit vers une autre file d’attente par des hommes en blouse blanche, et comme il ne parlait pas la langue du pays, je l’ai accompagné.
Une frayeur m’a saisie, l’espace d’un instant, lorsque je me suis rendu compte qu’il serait peut-être obligé de se faire vacciner dans cet aéroport inconnu. Mais juste après m’est venue la pensée que, quelle que soit la situation où nous nous trouvions, nous ne nous étions pas envolés en dehors du « royaume des cieux », dont parle Jésus dans le Sermon sur la montagne. Nulle part au monde il n’existe de lieu en dehors du gouvernement bienfaisant de Dieu et de l’esprit du Christ. Ce royaume au-dedans de nous, dont parlait Christ Jésus, c’est notre environnement. C’est la seule région, la seule localité, le seul endroit où il est possible de se trouver.
Nulle part au monde il n’existe de lieu en dehors du gouvernement bienfaisant de Dieu et de l’esprit du Christ.
Tandis que nous faisions la queue tout en priant, je me suis demandé si les gens que l’on voyait entrer puis ressortir devant nous, avaient vraiment été vaccinés. Rien ne le laissait supposer, et ils n’avaient aucun certificat de vaccination à la main. Il m’est alors venu à l’esprit que ce n’était pas d’un vaccin dont il allait être question dans ce petit bureau d’aéroport, mais d’un prétexte pour obtenir un pot-de-vin.
Peu de temps après, j’ai échangé quelques mots avec un monsieur qui venait d’arriver d’Europe et qui était devant nous dans la queue. Ce retard le rendait de mauvaise humeur. Il m’a dit qu’il venait au Togo plusieurs fois par an, et que, jusque-là, on ne l’avait jamais ennuyé parce qu’il n’avait pas de carte de vaccination. Il pensait, lui aussi, que cela pouvait être un prétexte pour obtenir un pot-de-vin. Cette conversation m’a permis de voir clairement dans quel sens je devais prier. La corruption tend à engendrer un sentiment de victimisation. Sachant ce qu’on attendait de lui, cet homme se sentait à la merci des autorités. Par ailleurs, ceux qui demandent des pots-de-vin se sentent souvent impuissants à changer un système fondé sur l’injustice et le rapport de force, si bien que la corruption devient monnaie courante.
Sachant que l’amour de Dieu était présent aux côtés de tous, j’ai repensé aux nombreuses occasions où j’avais évoqué la nécessité de prier pour faire disparaître la corruption, lors de mes conversations avec différentes personnes, dans plusieurs pays d’Afrique. Chaque fois, une brèche s’était ouverte dans un mur de résignation et d’impuissance, et mon interlocuteur avait reconnu la toute-puissance de la bonté de Dieu et Sa capacité de répondre aux besoins de Ses enfants.
J’ai eu l’intime conviction de l’égalité et de l’amour spirituels entre les peuples et les nations. Aucune langue, aucun statut économique, aucun facteur ethnique ne peuvent diviser ceux qui savent qu’ils ont une seule et même origine divine. J’ai mentalement refusé d’accepter qu’on puisse être victime de la corruption. Cette pratique est basée sur l’hypothèse que nous sommes vulnérables et que nos besoins ne sont pas comblés. Aussi enracinée dans les mentalités soit-elle, la corruption ne saurait résister à la lumière de l’amour et de l’égalité du Christ, lumière qui triomphe des ténèbres et de l’impuissance. Je savais que ces hommes en blouse blanche, à l’aéroport, comme toute personne dans les pays où la corruption semble habituelle, n’échappaient pas à la sécurité et à la stabilité divines qui viennent de la connaissance de Dieu.
A ce moment-là, j’ignorais encore ce que nous allions trouver de l’autre côté de la porte, mais il m’apparaissait clairement que nous ne pourrions rien voir d’autre que des signes de la présence du bien et de l’amour. Peu après, on nous a fait entrer dans la pièce.
Les fonctionnaires présents nous ont demandé notre carte de vaccination, ajoutant que si nous ne l’avions pas, il nous faudrait leur donner de l’argent pour qu’ils nous laissent passer le contrôle d’identité. Je leur ai répondu que nous étions membres d’une Eglise, que nous croyions à la guérison par la prière, et que nous ne pouvions pas leur donner d’argent. Quand j’ai expliqué que nous étions une église chrétienne, ils se sont mis à rire de bon cœur et m’ont interrompue en disant : « Existe-t-il d’autres types d’église ? » Les rires ont dissipé la tension qui régnait dans la pièce pour faire place à un sentiment d’entente et d’unité.
Aussi enracinée soit-elle, la corruption ne saurait résister à la lumière de l’amour et de l’égalité du Christ, qui triomphe des ténèbres et de l’impuissance.
Tandis que nous riions ensemble, ces hommes ont voulu savoir comment on priait : « Croyez-vous vraiment à l’efficacité de la prière ? » Comme je répondais par l’affirmative, ils ont demandé si nous pouvions prier pour eux. Mon ami et moi avons répondu que ce serait avec joie, et ils nous ont alors fait sortir en disant : « Vous devez partir tout de suite, car vous devez beaucoup prier ! Et n’oubliez pas de prier pour nous ! » Prenant leur demande au sérieux, nous avons prié pour comprendre qu’ils ressentiraient le pouvoir de Dieu qui élimine la corruption.
Nous sommes retournés dans la file d’attente pour passer le contrôle d’identité, et les formalités restantes à accomplir avant de sortir de l’aéroport se sont déroulées sans incident. J’ai continué de réfléchir à cette rencontre et à la façon dont l’amour et l’unité triomphent de la corruption.
Quel que soit son enracinement dans certaines régions du monde, la corruption est combattue par des individus qui se tournent de toute leur pensée et de tout leur cœur vers cet esprit d’unité profond qui nous unit tous. Chaque action (si petite soit-elle) entreprise pour refuser la corruption sème la graine afin que les générations futures grandissent sur un fondement d’honnêteté et d’égalité.
