Dans son Message à L'Église Mère pour 1901 (p. 20) Mrs. Eddy se sert des mots suivants: "Dans la Science Chrétienne nous n'avons moralement ni le droit ni l'autorisation d'influencer la pensée d'autrui à moins que ce ne soit pour servir Dieu et faire du bien à l'humanité. L'homme se gouverne proprement lui-même, et il ne devrait être guidé par aucun autre entendement que la Vérité, l'Entendement divin." Et elle dit plus loin: "Le Scientiste Chrétien est seul avec son propre être et avec la réalité des choses." Et à la page 58 de "Science et Santé avec la Clef des Écritures" nous lisons ceci: "Il y a liberté morale dans l'Ame. Ne rétrécissez jamais l'horizon d'une excellente perspective en exigeant égoïstement tout le temps et toutes les pensées d'autrui."
Ceux qui connaissent, tant soit peu, le livre de texte de la Science Chrétienne ont appris à réprimer leur zèle des premiers temps, celui de "traiter" à tort et à travers, sans le consentement de ceux qu'ils veulent aider; mais il faut un bien plus grand degré de l'esprit du Christ pour renoncer à l'exercice de cette affectueuse tyrannie au sein de la famille. L'entendement mortel, toujours prêt à prendre le rôle de la vertu, si par là il peut établir ses prétentions d'une manière plus convaincante, soutient que s'il ne le faisait pas, celui qui est l'objet de cette sollicitude serait privé de la protection et de la direction nécessaires à son bonheur. Il l'accuse d'inaptitude, d'inhabileté à se charger lui-même de la direction de sa vie; et comme il a nourri ce sens de responsabilité personnelle à son égard, il éprouve pour lui une grande anxiété, quoique maintenant il essaye craintivement de le livrer à lui-même. Si l'étudiant de la Science Chrétienne continue ces efforts, et se maintient dans la nouvelle attitude mentale, l'entendement mortel l'accusera peut-être de froideur, d'indifférence, ou de quelque égoïsme, bien qu'il ait le désir le plus ardent d'être vraiment aimant, de se tenir à l'écart et de ne plus intervenir ni prescrire. Quelquefois ces arguments sont exprimés; plus souvent peut-être ils sont émis silencieusement; mais la lutte n'est pas moins forte par le fait qu'elle est mentale, et par conséquent invisible. Tout honneur soit rendu à ceux qui s'appliquent scientifiquement à laisser à chacun la liberté de résoudre le problème de l'être. Les résultats de leur travail apparaîtront; et à leur tour, ils jouiront, eux aussi, d'une liberté qui leur était inconnue jusqu'alors.
L'on pourrait citer certains exemples typiques, montrant que l'entendement mortel limite, abrutit et dénature ce qui devrait constituer une belle et harmonieuse parenté, et qu'il impose un très vilain élément à la sainteté du foyer domestique. L'erreur est peut-être le sens personnel, la propre-volonté, l'ignorance opiniâtre des droits d'autrui, ou les soins jaloux qui ne sont pas vraiment affectueux, mais sur lesquels on se trompe soi-même en croyant qu'ils le sont.
L'individualité n'est pas suffisamment reconnue ni respectée lorsqu'un membre de la famille prend l'habitude d'ouvrir et de lire la correspondance d'un autre sans une permission spéciale et pour chaque fois; elle ne l'est pas davantage lorsque quelqu'un se permet d'inspecter indiscrètement le pupitre ou les affaires particulières d'un autre, à sa fantaisie. De pareilles libertés n'enfreignent pas seulement les droits sacrés et privés d'un individu, mais elles empiètent encore sur ceux de ses correspondants et de tous ceux qui peuvent lui avoir confié certains intérêts personnels. L'entente mutuelle entre deux personnes suivant laquelle aucune ne doit avoir "de secrets" pour l'autre ne justifie pas l'indiscret. Il est extrêmement préjudiciable de renoncer ainsi à son individualité; les résultats qu'on en récolte sont pareils à ceux que produisent les concessions souvent faites au soi-disant pouvoir de l'hypnotisme. Lorsque deux amis sont si intimes qu'aucun d'eux ne peut avoir un sanctuaire où il puisse se retirer pour se recueillir librement, prendre ses décisions particulières, diriger ses affaires personnelles ainsi que le demandent l'occasion et les besoins et droits spéciaux d'autrui, ces deux amis, quelles que soient leurs relations, ont grand besoin de perfectionner leur idéal de l'amitié.
Pour que le développement et le progrès vers l'Esprit se fasse, il est essentiel que tout membre de la famille ayant atteint l'âge de raison ait un endroit où il puisse se retirer et être seul extérieurement, aussi bien que libre mentalement, afin de pouvoir étudier et prier, résoudre ses problèmes et déterminer sa voie, autant que cela lui est possible sans le secours humain. Il est fort salutaire que dès leur bas âge les enfants cultivent cette habitude de se mettre de temps à autre à l'écart pour réfléchir tranquillement dans la solitude, ne serait-ce que pour quelques instants; non afin de s'emprisonner avec un sentiment de condamnation, ce qui pourrait déprimer au point de paralyser tout effort légitime ou provoquer un ardent ressentiment, mais afin de se séparer de leurs compagnons pour un peu de temps lorsque le jeu a pris un caractère turbulent et querelleur, et d'apprendre dans le calme à purifier leurs pensées et maîtriser leurs actions par la vérité et l'amour, avant de rejoindre leurs compagnons de jeux. Le faux système de fréquemment ou constamment "traiter" les enfants à leur insu, sans exiger leur coopération ni leur faire apprécier en aucune manière la valeur de ce qu'ils reçoivent, pourra, en bien des cas, faire qu'ils se désintéressent de l'école du dimanche, et qu'ils se détournent entièrement de la Science Chrétienne, à mesure qu'ils approchent de la maturité et trouvent que le sens mortel de la vie est si plein d'autres intérêts qui leur paraissent beaucoup plus entraînants.
Il se présente quelquefois aux praticiens un sérieux problème en raison de l'habitude qui règne si fréquemment parmi les amis de faire beaucoup de bavardages sur les affaires les uns des autres. Quelqu'un a un mal; on en parle librement; et les guérisons, ou l'absence de guérisons, sont souvent le sujet de commentaires. Le patient ne se rend pas compte du besoin qu'il a de se protéger; les amis, avec leur sympathie loquace, ne se rendent pas compte qu'il doit être mis à l'abri de leur intervention, peut-être bien plus que de toute autre chose. Le praticien prolonge son temps de travail en vue d'obtenir un résultat qui ne se montre pas ou le fait disproportionnément. D'une façon générale, il n'y a pas plus d'avantage que notre problème soit discuté par un groupe d'étudiants de la Science Chrétienne ou qu'il le soit par un autre de non-Scientistes. Tout ce que demande l'erreur, pour être l'erreur, c'est d'avoir une voix et un auditoire. Chacun de nous doit, à tout instant, se mettre sur ses gardes, afin que l'élément humain en nous ne soit pas un intermédiaire par lequel l'erreur trouve accès à tout ce qui occupe nos pensées.
Bien que le travail de la ménagère et maîtresse de la maison soit d'une grande importance, s'il est bien fait, il est trop rarement estimé à sa juste valeur; et il arrive fréquemment que le partage du revenu de la famille ne se fasse ni justement ni proportionnément. Un ajustement judicieux et équitable en ce point aiderait dans les déterminations à prendre pour le home; une reconnaissance et une appréciation mutuelle de l'importance relative des occupations et des obligations de chacun devrait amener un partage du revenu tel qu'il assurerait à chacun une liberté personnelle dans l'arrangement de sa part d'activité. Il est très humiliant pour une femme et mère de famille qui remplit consciencieusement ses nombreux devoirs domestiques, d'être obligée de demander chaque dollar dont elle a besoin, et peut- être encore de faire le détail de ses projets avant qu'on accède à sa demande.
Même dans les maisons où la liberté et l'intérieur particulier de chacun des membres de la famille sont mutuellement et scrupuleusement respectés, ces mêmes droits ne sont pas toujours accordés soit à la cuisinière, à la femme de chambre, ou à la gouvernante, qui veille au confort et au bien-être de tous. Ses loisirs limités sont quelquefois enfreints de bien des façons, si bien qu'il ne lui reste pas de temps pour l'étude ou le recueillement, rafraîchissement mental si nécessaire à la santé. Peut- être son travail n'est-il tracé que pour la commodité de la famille, et doit-elle renoncer au privilège d'aller au culte. C'est là une abrogation évidente du commandement: "Tu aimeras ton prochain comme toi-même," et ceux qui, dans leur égoïsme, sont si peu soucieux des droits de l'étranger qui est dans leurs portes, ne devront être ni surpris ni mystifiés s'ils ne réussissent pas à démontrer la Science Chrétienne dans certaines de leurs affaires. Là où l'on néglige un devoir si impérieux, on ne peut en toute justice s'attendre à voir régner la santé et l'harmonie.
Le droit qu'ont les hôtes de la maison de jouir d'un peu de solitude n'est pas toujours considéré. L'hospitalité ne demande pas nécessairement une conversation interminable, un continuel entretien, ni même l'attention incessante de quelque membre de la famille. Si nous désirons que nos hôtes nous quittent reposés et non lassés de leur visite, nous veillerons à ce qu'ils aient un sanctuaire où ils se sentent libres de se retirer, sans provoquer de commentaires, et d'y rester à leur discrétion. Même les invités, qui n'ont pas l'habitude de lire tous les jours, apprécient le privilège d'avoir de temps à autre quelques moments de solitude.
Le but de cet article n'est pas d'aller au delà des erreurs les plus palpables de l'intervention dans la jouissance de la liberté légitime qu'ont ceux que nous professons d'aimer, ni d'examiner la question du traitement mental non sollicité; cependant, il est une chose qui demande à être sérieusement considérée, à savoir, si nous pouvons exercer le moindre despotisme sans empiéter d'une manière inexcusable sur la liberté de notre prochain dans le domaine mental, attendu que nos pensées s'étendent généralement au delà du champ de nos actions. Les parents humains, qui veillent, tant avec amour qu'avec crainte, qui épargnent à leur enfant les effets de sa propre folie, quelquefois même, aux dépens de sa croissance spirituelle, qui cultivent son égoïsme parce qu'ils ne se sentent pas le courage moral de le corriger, qui l'affaiblissent en prenant trop souvent pour lui des décisions qu'il devrait prendre lui-même; le tyran domestique, que ce soit un homme ou que ce soit une femme, qui croit que son autorité comme chef de famille l'oblige à exercer une surveillance minutieuse et lui donne pouvoir absolu sur tous les gens de la maison; les amoureux dévoués, mesmérisés jusqu'à renoncer pour le moment même à leur individualité l'un en faveur de l'autre; le frère ou la sœur dont le sens de tendre responsabilité pour le bien-être de l'autre se met si bien à ses talons qu'il réduit son objet à un état de véritable dépendance ou le porte à vouloir s'échapper; le fils ou la fille qui, par exagération de l'instinct filial, met des idées de vieillesse dans la pensée de ses parents, les prive d'occupation, et par quelque injonction officieuse, pseudoaffectueuse pour leur bien, les prive de nombreuses jouissances, au lieu de défendre vigoureusement leurs droits à la santé et à l'utilité au cours des années d'une activité mûre et précieuse; le jeune fanatique, résolu de pousser, de tirer ou de porter tout le monde dans le royaume, bon gré mal gré, qui oublie dans son enthousiasme passionné que, ainsi que nous le dit Mrs. Eddy à la page 25 de Science et Santé: "La divinité du Christ fut rendue manifeste dans l'humanité de Jésus,"— toutes ces gens, et leurs pareils, devraient prier pour avoir la grâce, cette qualité céleste qui embrasse et interprète en termes appropriés au besoin humain — le courage moral, la patience, la maîtrise de soi-même, l'espérance inextinguible, l'amour immuable! "Jésus leur dit: Déliez-le, et laissez-le aller."