Une demi-vérité est pire qu'un entier mensonge. Pour commencer, elle est plus délibérée, et tandis que la hardiesse d'un entier mensonge lui fait défaut, elle se pare des prérogatives de la vérité. C'est, pour tout dire, la tromperie dans sa forme la plus détestable et la plus dangereuse. "Un mensonge, écrit Mrs. Eddy, à la page 17 de 'Unity of Good,' n'a qu'une chance de décevoir avec succès: c'est d'être tenu pour vrai. Le mal cherche à lier toute erreur à Dieu, pour que le mensonge semble faire partie de la Vérité éternelle." L'homme qui se réfugie dans une demi-vérité avec l'intention de tromper, s'efforce en somme d'extraire de son action deux chances de déception. Il tente d'obtenir le bénéfice imaginaire de son mensonge en en faisant quelque chose de partiel, au lieu de le réduire à néant. En d'autres termes, il cherche à conférer au mal le sceau du bien dans l'espoir insensé de le rendre réel et éternel. C'est, par conséquent, la préméditation et le calcul impliqués dans le demi-mensonge qui, à la longue, rendent ce dernier si dangereux pour son auteur; car il n'y a rien de caché qui ne sera révélé.
L'auteur d'une tromperie, en effet, oublie constamment le fait solide, pratique, qu'il ne déçoit en réalité que lui-même. S'il n'est pas un métaphysicien, il aura quelque peine à comprendre exactement ce que ceci signifie. C'est pourtant très simple. Ce qui n'est pas vrai ne saurait être réel. Un mensonge, par conséquent, est une irréalité. Quand bien même un homme répéterait mille fois par jour que deux fois deux font cinq, l'addition de ces chiffres resterait pareille. Il lui serait possible de tromper un millier d'ignorants au cours de la journée, d'exploiter cette ignorance dans l'intérêt de sa bourse ou pour étayer une position équivoque. Mais, et c'est la seule chose qui vraiment a lieu, le menteur choit dans l'erreur indiquée par St. Paul dans son épître aux Galates: "Car, si quelqu'un pense être quelque chose, quoiqu'il ne soit rien, il se séduit lui-même." Le menteur, en somme, imaginant avoir exploité autrui, se figure être quelqu'un alors que son mensonge et lui ne sont rien; de la sorte il est sa propre dupe. Aussi longtemps que le mensonge semblera atteindre son but, la tromperie aura l'apparence du succès. Mais, pour le malheur d'un tel raisonnement, la vie est éternelle, et, à mesure que le temps passe, ceux qui furent trompés par candeur ou ignorance, par crédulité ou intention, reviennent au sens de la vérité, cependant que le coupable prend tout doucement conscience du fait que ce qui a eu lieu, par rapport à lui, n'a pas été autre chose que la confusion de son intégrité, en sorte qu'il se trouve dans l'attitude des vierges folles quand elles frappèrent à la porte du festin de noce, disant: "Seigneur, Seigneur, ouvre-nous! Mais il répondit: En vérité, je vous le dis, je ne vous connais point."
C'est là que réside la portée métaphysique de la protection divine. Un homme ne peut souffrir de l'intention maligne d'un mensonge que dans la mesure où il croit à la puissance imaginaire du mal. Il est donc de son devoir de se protéger contre toute tentative de cette nature en se soumettant à l'intention du "Church Manual," où, à l'Article VIII, Section 6, Mrs. Eddy a écrit "C'est le devoir de tout membre de cette église de se défendre journellement contre la suggestion mentale agressive, et de ne pas oublier ou négliger sa dette envers Dieu, son Leader et toute l'humanité. Par ses œuvres il sera jugé— justifié ou condamné." Or, les suggestions du mal dans leur effort pour contrefaire l'infinité, sont innombrables. Impossible, par conséquent, de les renier une à une chaque jour. Mais dans la mesure où un homme mène une vie conforme à la Vérité, il se retire du rayon du mal; l'effort accompli pour consacrer chaque instant de la journée à son élimination, en s'appuyant sur le bien, constitue la protection la plus sûre qu'on puisse se donner. C'est là manifestement ce que Mrs. Eddy disait aux membres de l'Église quand elle leur donna ce conseil remarquable, publié à la page 210 de "The First Church of Christ, Scientist, and Miscellany": "Bien-aimés Christian Scientists, ayez l'esprit si rempli par la Vérité et l'Amour, que le péché, la maladie et la mort n'y puissent entrer. Il est évident qu'on ne saurait rien ajouter à l'esprit déjà plein. Quand celui-ci est rempli par la bonté, il n'est pas de porte par laquelle le mal puisse entrer, pas d'espace qu'il puisse occuper." Existe-t-il un autre moyen de se protéger journellement contre les innombrables suggestions agressives du mal?
Cette protection doit apporter a celui qui l'utilise l'assurance merveilleuse de paix annoncée par le quatre-vingt-onzième psaume. Contre les défenses de l'homme qui vraiment maintient son esprit rempli par la Vérité et l'Amour, les suggestions du mal, qu'elles soient des demi-vérités ou des entiers mensonges, se démèneront en vain. Cet homme n'aura pas à sortir et à engager une bataille de mots avec les pourvoyeurs de suggestions: il lui suffira de se conformer à cette parole de l'Écriture: "Arrêtez, et reconnaissez que je suis Dieu." Alors, non seulement est-il protégé, mais aussi doit-il vaincre. En outre, il livrera sa bataille sans le moindre malaise. Il n'y a qu'une chose, une seule, qui angoisse le cœur de l'homme: sa croyance à la matière et son assujettissement aux convoitises de la chair. Sa crainte de la puissance du mal, de l'influence d'un mensonge, égale la persistance avec laquelle ces choses lui semblent réelles; mais quand il s'est assuré, même dans une petite mesure, de l'irréalité de la matière, et s'est affranchi des passions de la chair, alors sa compréhension de la Vérité et de l'Amour, du Principe, s'est développée suffisamment pour lui montrer avec toute la netteté désirable que le mal est le grand dragon rouge, condamné d'avance à la destruction à mesure qu'il se nourrit de la notion que la matière est réelle, de mensonges qui ont une force, et de vérités qui peuvent être inverties.
La Vérité, écrivit le Romain, est grande, et elle prévaudra. L'esprit païen lui-même était capable de saisir ce fait. Être un avec Dieu, la Vérité, insistait-on quelques siècles plus tard, c'est être une majorité. Alors, pourquoi l'homme qui tient la bannière de la Vérité devrait-il, si contraires que soient les apparences, douter un instant de la victoire? La cause de la Vérité a toujours été la cause de la minorité. C'est là, par la force des choses, presque une nécessité métaphysique. Un aspect de la Vérité n'est pas plutôt reconnu, que la majorité de ceux qui ont lutté à cet effet vont se reposer dans leurs tentes ou se distraire de la lutte dans un contact renouvelé avec la matière. Mais la minorité irrépressible et gênante demeure. Pour elle, l'ennemi est encore devant, et la bannière doit être de nouveau brandie. "Il y a toujours quelque tumulte, écrit Mrs. Eddy à la page 22 5 de Science et Santé, mais il y a aussi un ralliement autour de l'étendard de la vérité."
