La croyance au temps a été l'un des plus sérieux obstacles au progrès du monde. Cela est fort compréhensible si l'on songe que le temps n'est pas autre chose que le moyen dont se sert l'esprit humain pour enregister les limitations qu'il s'est imposées à lui-même. Nombre de gens réduisent au dimanche leur effort religieux. Avec cela, une grande partie de l'humanité se laisse dominer par la croyance que le mal est beaucoup plus puissant que le bien. De bonnes résolutions sont prises, qu'on abandonne au premier obstacle sous prétexte qu'elles surpassent nos forces. Et le grand jour pour les prendre est le premier de chaque année nouvelle.
Le jour de l'An se lève sur une chrétienté dont les sillons sont couverts de bonnes intentions, mais le soir n'est pas tombé que déjà la négligence laisse périr les bonnes graines. Par sa parabole du semeur, Jésus lui-même montra les efforts que font les hommes pour atteindre à la spiritualité; ses paroles sont, cela va sans dire, aussi vraies aujourd'hui qu'à son époque. Tout chrétien déclaré devrait tendre à ordonner sa pensée de façon à ce que l'esprit charnel humain puisse disparaître devant cette intelligence métaphysique du Principe qui accompagne les sentiments que Jésus-Christ a eus. Mais avant d'obtenir ce résultat, la lutte entre l'Esprit et la chair doit être profondément engagée. Au cours de celle-ci rien ne saurait décourager l'étudiant qui s'aperçoit parfois que la chair semble plus forte que sa compréhension fragile de la Vérité. Son désir et sa sincérité lui permettront d'avancer en dépit de ses faiblesses. Comme l'écrit Mrs. Eddy à la page 21 de Science et Santé: “Si le disciple avance spirituellement, c'est qu'il fait des efforts pour arriver. Il se détourne constamment du sens matériel, et porte ses regards vers les choses impérissables de l'Esprit. S'il est sincère, il prendra la chose au sérieux dès le début, et avancera chaque jour un peu dans la bonne direction, jusqu'à ce que finalement, il achève sa course avec joie.”
Le désir d'un homme est le mobile de ses progrès qui, d'autre part, témoignent de la valeur de son désir. Si celui-ci est assez fort, l'échec ne l'arrêtera pas, car il saura en extraire une leçon qu'il utilisera dans son prochain effort. Aussi, quand les bonnes résolutions de l'année nouvelle sont par terre, ne faut-il pas se laisser aller au découragement. La victoire sur la chair n'a jamais été obtenue en une fois. Abraham, en dépit de l'avertissement de Sodome, mentit à Abimélech; Moïse, oubliant l'Égypte et la mer Rouge, frappa le rocher en son propre nom. Quoi d'étonnant si Paul se lamenta en ces termes: “Car je ne fais pas le bien que je veux, mais je fais le mal que je ne veux pas,” ou si Philippe Schwartzerd découvrit qu'un changement de nom ne constitue pas un changement de nature et en vint à avouer que “Le vieil Adam est trop fort pour le jeune Mélanchthon”? Mais en dépit des faiblesses et des obstacles, Abraham et Moïse, Paul et Mélanchthon, allèrent de l'avant jusqu'à ce qu'en dernier lieu la victoire leur appartînt. L'agonie de St. Paul fut changée en joie, en sorte qu'il put écrire: “J'ai combattu le bon combat, j'ai achevé la course, j'ai gardé la foi. Et maintenant, la couronne de justice m'est réservée; le Seigneur, juste juge, me la donnera en ce jour-là, et non seulement à moi, mais aussi à tous ceux qui auront aimé son avènement.”
Dans ces conditions, il n'est point obligatoire, au jour des bonnes résolutions, que le soleil couchant nous laisse sous l'impression d'un échec ou d'une déception. Selon les pronostics des hommes, il est certain que l'échec appelle l'échec, mais ce n'est là que le travestissement de la loi du Principe et non cette loi elle-même. Celle-ci ne connaît ni variations, ni “aucune ombre de changement.” Si, par conséquent, les bonnes résolutions d'un homme échouent, ce dernier sait, dans la mesure où il comprend le Principe, non seulement qu'elles ont échoué mais aussi pourquoi. Ainsi, il se rend compte de ce qui peut corriger son échec. “Misérable que je suis!” s'écriait St. Paul, “qui me délivrera de ce corps de mort?” Mais il se dépêche d'avertir les Romains, auxquels il écrivait, que les passions de la chair ne le trompaient pas, et qu'il savait fort bien comment parvenir à la victoire finale en en appelant de sa faiblesse à l'omnipotence de l'Entendement qui fut en Jésus-Christ. L'homme réel, disait-il à ses lecteurs, est toujours assujetti à la loi de Dieu, seule la contrefaçon humaine plie sous les sens physiques. Le passage tout entier a été admirablement rendu par un fameux Grec en ces termes: “Hélas, hélas pour moi! Qui m'affranchira de l'obsession du corps, de cette mort vivante? Que Dieu soit loué!— oh! je lui rends grâces de ce que c'est Lui qui m'affranchit: Il m'affranchit par le moyen de Jésus, notre Messie, notre Seigneur! Ainsi donc, dans mon vrai moi, dans ma volonté, je suis asservi à la Loi de Dieu: ce n'est que dans ma nature animale que je suis l'esclave de la loi du péché.”
Choisir le premier de l'An pour prendre de bonnes résolutions, c'est commettre l'erreur de croire qu'un jour est plus efficace qu'un autre. Une erreur identique a abouti à cette catastrophe qui limite le service divin à un jour sur sept, comme si le service du Principe pouvait prendre fin sans entraîner le malheur des personnes responsables. Les bonnes résolutions devraient être prises perpétuellement, et nous devrions veiller à leur exécution avec toute la loyauté dont est capable notre compréhension de la Vérité, même si la nature animale vient de temps à autre à les rejeter. En agissant ainsi, nos instants de faiblesse s'espaceront toujours davantage, en sorte que, si nous nous attachons fidèlement à notre vision du Christ, nous parviendrons au terme de la course avec joie. Comme Mrs. Eddy nous l'assure à la page 10 de “Miscellaneous Writings”: “Les bons ne peuvent pas perdre leur Dieu, leur secours en temps de détresse. S'ils se méprennent sur le sens du commandement divin, ils le retrouveront, contremanderont leurs décisions, reviendront sur leurs pas, exécuteront ses ordres, plus certains d'avancer en sécurité. Dans leur vie, les plus grandes leçons sont apprises en croisant l'épée avec la tentation, avec la crainte et toutes les tendances du mal. Dans la mesure où ils mettent leur énergie à l'épreuve et la prouvent, dans cette même mesure ils découvrent qu'elle a été rendue parfaite dans leur faiblesse, et leur crainte s'est immolée elle-même.”