L'unité du bien a été obscurcie par la croyance que l'homme a une vie et un esprit séparés de Dieu. Cette perversion du fait spirituel, perversion responsable de tous les phénomènes matériels, a donné le jour au dualisme, à la théorie d'après laquelle l'homme serait à la fois esprit et matière, à la fois bon et mauvais. D'une prémisse fausse on ne saurait attendre que des conclusions erronées, et cette doctrine dualiste a influé grandement sur l'idée que l'homme mortel a de lui-même, de ses conditions de vie, et de l'univers qu'il contemple. Le dualisme, en d'autres termes la croyance au bien et au mal tout ensemble, est la source de toutes les peines, l'origine du matérialisme et de l'asservissement du monde au péché, à la maladie et à la mort.
Le caractère matériel de l'entendement humain s'atteste surtout dans la notion qu'il entretient à l'égard de la prière et du travail véritables. La qualité de la prière d'un homme a toujours exprimé sa conception d'un être suprême, et l'entendement humain, sans appui, ne s'est jamais élevé au-dessus de la croyance en un Dieu sachant à la fois le bien et le mal, et dispensant à Son gré les conditions du bonheur et de la souffrance. Durant les ténèbres du Moyen-Age, qui suivirent la disparition du christianisme authentique, une conception plus spirituelle de la prière fut discernée par des esprits assez humbles pour soupirer après elle. Mais les cas étaient rares, et le monde moderne cherche encore un soulagement à ses maux dans une direction totalement opposée à la source de toute vie et de toute vérité que Jésus appela "Père."
L'ignorance de l'humanité touchant la fonction réelle de la prière, est étroitement liée à la servitude sous laquelle l'a pliée sa conception toute matérielle du travail. L'obligation du travail comme condition normale de la vie d'un homme, quand cette obligation est vue sous son vrai jour, n'est que la réflexion d'un trait divin; mais le matérialisme l'a perverti en l'interprétant comme un moyen de satisfaire le sens instinctif de propre-conservation que Jésus réfuta en ces termes: "Ne soyez pas en souci pour votre vie, de ce que vous mangerez." Dans tous les domaines le travail a participé, en tant qu'expression de l'énergie humaine incontrôlée par l'Entendement divin, aux conditions et aux limites de l'état matériel. La transformation qu'une connaissance de la Science Chrétienne provoque dans un mode de raisonnement humain, modifie la conception qu'un mortel a du travail et de la prière. Souvent, c'est la lumière que le premier chapitre du livre de Mrs. Eddy, "Science et Santé avec la Clef des Écritures," jette sur la prière, qui avertit le chercheur qu'il est en présence de la Vérité. Cette affirmation centrale de la Science Chrétienne: "Il n'y a ni vie, ni vérité, ni intelligence, ni substance dans la matière. Tout est Entendement infini et sa manifestation infinie, car Dieu est Tout-en-tout" (Science et Santé, p. 468), si faiblement qu'on la comprenne, impose l'obligation de mettre toute activité à l'unisson avec l'Esprit infini, avec Dieu.
Dans Science et Santé, au chapitre de la Prière (p. 4), nous lisons: "Faire des efforts continuels pour être toujours bon, c'est prier sans cesse." C'est le sens métaphysique de ces paroles qui témoigne de la nature entièrement spirituelle de la prière et du travail — concomitants de l'unité du souverain bien — et de l'identité de leur essence. Voir dans la Science Chrétienne la révélation de la Vérité, c'est rejeter la fable d'un esprit, d'une âme ou d'une intelligence renfermée en l'homme, et c'est à quoi nous devons nous adonner sans cesse. La perception de la Vérité écarte entièrement le mensonge, car la Vérité est actuelle; il faut nous tourner continuellement du faux vers le vrai, afin que la pensée mortelle puisse être corrigée par la réalité de l'être. Seule notre persévérance dans cette voie nous rendra conscients de l'effort que Mrs. Eddy juge nécessaire pour donner à la prière une base scientifique. Il s'agit de comprendre la Vérité, et d'agir en partant de l'Esprit infini, de l'Entendement divin, plutôt que des données des sens matériels. Ainsi, la prière est le fondement même de tout travail véritable, parce qu'elle est l'admission continue du rapport de l'homme avec l'Esprit infini. La corrélation de la prière et du travail dans la Science de l'être, éclaire le sens de ces paroles inspirées de Jésus, dans le Sermon sur la Montagne: "Mais toi, quand tu pries, entre dans ta chambre, et, après avoir fermé ta porte, prie ton Père qui est dans ce lieu secret; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra."
L'esprit humain, qui ignore une conception spirituelle de la vie, peut prétendre que le travail, envisagé d'une façon transcendante, ne saurait avoir de rapport avec la besogne journalière d'un bureau, d'une échoppe ou d'un atelier. Cette critique, toutefois, n'est que la vieille prétention de la double nature de l'homme, qui veut aller jusqu'à soutenir que la spiritualité n'est qu'un titre de valeur religieuse plutôt que le souffle même de l'être véritable. Il est impossible d'appliquer les épithètes de "souillé" et d' "impur" à un labeur qui s'inspire de l'union de l'homme avec l'Entendement divin; il exprime la loi spirituelle et devient de plus en plus utile. Dans tout effort qui tend à réaliser le royaume de la Vérité sur la terre, il est indispensable de se garder du serpent d'un esprit matériel, et cela d'autant plus impérativement que la matérialité de la pensée humaine a déjà été quelque peu maîtrisée. La guérison des malades, qui est une obligation sainte pour tout disciple de Jésus, doit s'accomplir sur une base spirituelle. Le travail de la pensée, dans la Science Chrétienne, ne peut avoir qu'un sens — il ne peut être que l'affirmation de la Vérité, fondée sur la compréhension de l'unité et de l'infinité du bien. Mrs. Eddy dit: "L'Esprit donne la véritable idée mentale" (Science et Santé, p. 467); cette parole, comprise, réduira au silence la propre-justice, que celle-ci se manifeste sous forme de limitation, de crainte ou d'un sentiment personnel et exclusif de succès.
Dans le Message de 1900, adressé à l'Église Mère, Mrs. Eddy écrivit (p. 2): "Le chant de la Science Chrétienne est, 'Travaillez — travaillez — travaillez — veillez et priez' "— un chant qui s'inspire du sentiment très net que l'homme et l'univers sont spirituels. C'est là cette harmonie dont il est parlé dans le trentehuitième chapitre du livre de Job: "Pendant que les étoiles du matin entonnaient des chants d'allégresse, et que les fils de Dieu poussaient des acclamations." Le temps n'est qu'un phénomène des sens matériels, qui s'évanouit dans la mesure où l'homme comprend la nature spirituelle de l'éternité. C'est aussi dans la mesure où nous déposons nos croyances matérielles à l'égard de l'homme et de ses actes, que nous comprenons l'harmonie originelle et toujours présente de la Science Chrétienne, et que nous pénétrons en elle.