La plupart des étudiants de la nature humaine ne tardent pas à conclure, comme St. Paul dans sa première épître à Timothée, que "l'amour de l'argent est la racine de tous les maux." St. Paul ne commit pas la faute, possible pour un psychologue plus superficiel, d'accuser l'argent, en lui-même le symbole convenable d'un service, d'être la cause du mal. Non, il alla droit au but et montra clairement que le mal gît dans l'amour de l'argent. Cette racine de tous les maux se trouve parmi les plantes que notre Père céleste n'a point plantées, et qui doivent être extirpées partout où on les rencontre. Quand le but est acceptable, ce vice se couvre du masque de la vertu et pose dévotement pour de l'économie. Il cherche à frustrer le prochain sous le nom innocent de finesse dans les affaires, et souvent trompe sa victime au point de la faire vivre pendant des années au sein de la pauvreté et de la gêne, avec l'idée "d'épargner pour les jours de pluie," tandis qu'un jour de pluie, s'il est inévitable, peut être préférable à des années de lourds brouillards.
Les travailleurs dans la Science Chrétienne découvrent que cette racine cherche à paralyser toute activité. Il est intéressant, par exemple, de constater la variété des excuses que des Scientistes Chrétiens en pleine prospérité offrent comme bonnes et suffisantes pour ne pas avoir à souscrire à tous les périodiques de la Science Chrétienne. L'observateur suivra avec étonnement cette mince racine dans ses évolutions particulières et souvent amusantes. Il se peut que le praticien soit seul à la voir dans toute sa laideur. Parfois, la première question qu'une personne pose en venant réclamer de la Science Chrétienne la guérison, est celle-ci: "Pourquoi rétribuer le praticien?" C'est à juste titre, selon lui, que le commençant est choqué de ce qu'on puisse accepter de l'argent pour une prière. Pendant de nombreuses générations, les gens ont avec répugnance rétribué leur médecin de famille, et avec une hésitation plus grande encore fourni le prix de l'existence matérielle du pasteur. Le praticien de la Science Chrétienne, ayant en partie le rôle des deux, risque fort d'avoir à affronter une double répugnance dans l'échange des dons charnels contre les dons spirituels, selon le mot de St. Paul.
Pourquoi l'homme devrait-il être payé pour son travail? Jérémie nous dit: "Malheur à celui qui bâtit son palais sans observer les règles de la justice, et sa maison en oubliant les lois de l'équité; qui fait travailler son prochain sans le payer, et ne lui donne pas son salaire." La plupart des gens admettent que le travail mérite une rétribution, mais il en est qui sont enclins à avoir une autre opinion que le travailleur sur ce qui constitue le travail. Le fermier admettra que le labourage est une besogne qui devrait être bien rémunérée, mais, par contre, un rédacteur n'est à ses yeux qu'un oisif qui encaisse les écus que lui, fermier, a si péniblement acquis, en s'asseyant dans un fauteuil de bureau et en noircissant du papier aux heures qui lui conviennent. D'autre part, l'écrivain n'ignore pas la pleine valeur d'un travail de pensée, mais sera peut-être porté à estimer que le labour est une forme agréable d'exercice au grand air qui n'a guère de titres à notre argent. Pourtant tous deux, le rédacteur et le fermier, s'ils se décident à "essayer" de la Science Chrétienne, sont bien près d'admettre qu'il n'est pas chrétien, de la part du praticien, d'accepter un salaire. Pourtant, le praticien n'est-il pas en train d'accomplir l'œuvre de Dieu? Assurément. Toute œuvre bonne est l'œuvre de Dieu, et comme telle trouve sa récompense. Puisque Dieu est juste et qu'Il rémunère toute bonne œuvre, le travailleur sincère n'a rien à perdre; mais le bénéficiaire risque beaucoup en ne témoignant pas d'une façon pratique sa gratitude pour ce qui a été fait pour lui. L'honnêteté qui va plus profond que le calcul, ne se permet pas d'accepter le temps et la peine d'un autre sans lui donner un équivalent en retour.
Il arrive parfois que ceux qui disent, avec l'apparence d'une largeur d'esprit louable, qu'ils sont tout disposés à "essayer" de la Science Chrétienne, entendent vraiment par là qu'ils sont désireux d'accepter une guérison par un praticien, si cela peut se faire sans qu'ils aient à sacrifier une seule opinion, une seule coutume ou une seule superstition, un seul péché ou un seul écu. La volonté de "faire l'essai de n'importe quoi une fois," n'est pas si excellente qu'elle paraît au premier abord, du moment qu'un être retenu par sa conscience ne fera pas l'essai de "n'importe quoi." Mrs. Eddy nous dit à la page 10 de Science et Santé: "Chercher ne suffit pas. Il faut lutter pour entrer." Tous, nous devons éventuellement apprendre ceci; et l'effort que fait un autre en notre faveur, tandis que nous nous cramponnons à nos idoles, peut demeurer sans résultat.
Le moi se met au premier plan en pareille occurrence; celui qui se pose en arbitre et fait l' "essai" de la Science Chrétienne, s'imagine volontiers qu'il est le seul cas en cause, tandis que pour le travailleur absorbé il n'en est qu'un parmi un grand nombre. Au fond, ni le patient ni le praticien ne font l' "épreuve" de la Science Chrétienne, mais tous deux sont éprouvés par le Juge unique de toute la terre. Et le travailleur n'oublie pas le fait que c'est pure folie de disperser le grain sur un sol pierreux quand la terre fertile qu'il s'agit encore de préparer est si vaste.
L'expérience est souvent nécessaire pour réprimer le zèle des bonnes œuvres qui voudrait se précipiter là où les anges eux-mêmes craignent de circuler. La perspicacité spirituelle qui empêcha Jésus le Christ de jeter des perles à Nazareth, où il vit qu'il ne pouvait pas faire beaucoup de miracles "à cause de leur incrédulité," et qui permit à St. Paul, "ayant arrêté les yeux sur lui et voyant qu'il avait la foi pour être guéri," d'affranchir l'homme infirme de naissance, peut devenir la propriété de chacun.
Les praticiens qui sont tentés d'être découragés en ayant à combattre cette suggestion du serpent aussi vieille que le temps, à savoir, que l'on peut tromper le Principe et obtenir quelque chose pour rien — récolter là où l'on n'a pas semé— n'ont qu'à lire le neuvième chapitre de I Corinthiens pour yoir que St. Paul eut à affronter les mêmes arguments de rapacité. Et d'ailleurs, il y en avait sans doute qui étaient disposés à juger sévèrement notre Maître lui-même quand, comme il nous est dit dans l'Évangile de Luc "quelques femmes qui avaient été .. guéries de leurs maladies ... les assistaient de leurs biens." Tous ceux qui ont journellement à faire avec cette racine de tous les maux, doivent s'attacher fermement à la Vérité afin de ne pas être eux-mêmes vaincus. Les praticiens devraient lire fréquemment le réglement suivant dans le Manuel de l'Église Mère (Art. VIII, Sect. 22): "Un membre de l'Église Mère, dans des circonstances excusables, ne poursuivra pas son patient pour l'acquittement de la somme que celui-ci lui doit, sous peine d'être appelé à l'ordre et de se voir rayé des rôles de l'Église. En outre, il réduira raisonnablement son prix dans des cas chroniques de guérison et dans ceux où il n'a pu obtenir de résultats. Un Scientiste Chrétien est un philanthrope; il est bienveillant, charitable, longanime, et cherche à surmonter le mal par le bien."
Ni celui qui cherche la guérison par des voies spirituelles, ni celui qui veut être l'instrument de cette guérison, ne sauraient être moins que scrupuleux. "On se servira pour vous de la mesure avec laquelle vous mesurez." La loi de Dieu est juste et l'erreur qui cherche à rabattre ou à garder pour elle le prix d'achat d'un bien recherché, ne saurait pénétrer dans Sa présence. Pour obtenir des résultats complets dans la guérison spirituelle, le patient et le praticien devraient tous deux saisir la vérité de cette déclaration si claire de Mrs. Eddy dans "Science et Santé avec la Clef des Écritures" (p. 453): "L'intégrité est le pouvoir spirituel. L'improbité est une faiblesse humaine qui prive du secours divin."