Voici plus de vingt ans, un certain homme fut guéri par la Science Chrétienne. Esclave de mœurs dissolues, il avait pu, grâce à la vertu libératrice de la Vérité, sortir enfin “de la maison de servitude.” Presque instantanément les esprits impurs furent chassés et l'homme transformé. Ce fut une répétition virtuelle de ce passage de l'Écriture: “Alors les gens sortirent pour voir ce qui s'était passé, et, étant venus vers Jésus, ils trouvèrent l'homme, de qui les démons étaient sortis, assis aux pieds de Jésus, habillé et dans son bon sens.” Parmi ceux qui vinrent ainsi le voir, se trouvait un de ses plus vieux et plus intimes amis. Celui-ci fut ébahi par le miracle d'une pareille transformation. Elle ne lui paraissait pas possible. “C'est trop beau pour être vrai,” disait-il avec cynisme. Le doute et la surprise allaient de pair, suivis d'une incrédulité railleuse. “C'est incroyable;” “Ce n'est pas authentique;” “Cela ne peut aller bien longtemps.” Tels furent les commentaires peu charitables de celui qui avait des yeux mais ne voyait pas, des oreilles et n'entendait pas. C'est dans cet état d'esprit que ce descendant du Sage Mondain suivait jour après jour les progrès de ce pèlerin moderne, sûr de le voir chanceler, choir et retourner encore une fois aux pots de viande de l'Égypte, ou du moins se débattre avec désespoir dans le “Bourbier du Découragement.” Jour après jour, néanmoins, le bien se dévoila, et il n'y eut “point de nuit.” Il n'y eut plus d'échecs, plus de chutes, plus de retour au passé; il y eut seulement — grâces en soient rendues à Dieu — ce que Mrs. Eddy appelle dans Science et Santé (p. 584) une “irradiation de la Vie.”
Pendant quinze longues et pénibles années, le cynique fut assis “au banc des moqueurs,” payant inévitablement et sans protestations d'ailleurs, tout le prix de la location de son siège, “jusqu'au dernier quart de sou.” Que ceux d'entre nous qui sont enclins à prêter l'oreille à la suggestion mensongère qu'ils payent un trop haut prix leur place dans l'assemblée des saints, s'arrêtent ici un instant et méditent sur cette image; oui, voyons les choses de près et comparons la somme modique que nous payons avec la dépense exorbitante, ruineuse, qu'exige de nous le “banc des moqueurs”! Nous rendrons grâces alors à notre Père-Mère Dieu plein d'amour qui pardonne toutes nos iniquités et qui guérit toutes nos maladies, et jamais plus nous ne nous plaindrons ou critiquerons.
Pendant quinze fécondes et joyeuses années, cet étudiant de la Science Chrétienne qui ne se savait pas sous le regard de cette critique constante, continua patiemment à courir sans se fatiguer, et à marcher sans jamais se lasser. Puis, une chose étrange —était-elle vraiment étrange?— se passa: par la force silencieuse mais irrésistible de l'exemple de son ami, et apparemment en dépit de sa volonté, le railleur fut amené à rechercher lui-même les bons offices de la Science Chrétienne et à tourner sa face et ses pas vers la lumière de la Vie, de la Vérité et de l'Amour. Il en vint à apprendre, par l'un des périodiques inappréciables fondés par Mrs. Eddy et publiés par The Christian Science Publishing Society, la signification véritable de ce passage de l'Écriture: “Va dans les chemins et le long des haies, et contrains les gens d'entrer, afin que ma maison soit remplie.” Il sut ainsi qu'il avait été lui-même contraint de venir, contraint par la force aussi ferme que douce de l'exemple, l'exemple d'un être qui s'efforçait avec humilité et persévérance d'obéir à cet ordre du Maître: “Que votre lumière luise ainsi devant les hommes, afin qu'ils voient vos bonnes œuvres, et qu'ils glorifient votre Père qui est dans les cieux.”
C'est ainsi que le nouveau venu devint un jour membre d'une petite Église du Christ, Scientiste, et en temps et lieu, y accepta une charge. Mais ici surgirent bientôt des frictions et des divergences qui, pour celui qui ne s'y attendait pas, ne tardèrent pas à devenir réelles et répulsives. Le sens personnel, la susceptibilité, tous deux écoutés, provoquèrent le magnétisme de l'impatience, de l'irritation, du ressentiment, en sorte que, et avant même d'en avoir pleine conscience, il allait décider de tourner le dos non seulement à sa charge, mais aussi à l'église et à la Science Chrétienne elle-même. Toutefois, en cette occurrence comme en tant d'autres, un des “anges de Sa présence” (Science et Santé, p. 512) lui remit en mémoire la conduite si intrépide de son ami, comment celui-ci au cours de ces quinze sombres années avait été comme une lumière resplendissante, un phare dans la nuit. Aussi, inévitablement, lui vint la pensée qu'il était peut-être surveillé à son tour. Or, si la persévérance de son ami lui avait été d'un tel secours, devrait-il se dérober à celui-là même qui pouvait l'observer à son insu? N'avait-il pas contracté une dette, une obligation sacrée de passer à d'autres la sainte lumière de l'exemple, “afin qu'ils voient vos bonnes œuvres, et qu'ils glorifient votre Père qui est dans les cieux”? Puis une voix douce mais impérative se fit entendre, disant: “Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement.” Après cela, est-il surprenant que la proprevolonté ait été bridée et confondue? est-il surprenant que le courage, raffermi, se soit relancé de plus belle dans le bon combat de la foi, de la vérité et de l'amour? Ainsi, par degrés, la lumière d'une aspiration plus haute, d'une ambition plus désintéressée se mit à croître, ainsi que l'amour de servir. Notre vénérée Leader, avec son doigté si parfait “toucha la corde du moi, qui, tremblante, disparut dans l'harmonie,” selon le vers de Tennyson; et cette harmonie est toujours celle de l'amour et de l'entr'aide. En quelques lignes pleines de tendresse mais aussi de force, elle écrit (Miscellaneous Writings, p. 110): “Quelle ambition plus grande y a-t-il que d'entretenir en vous-mêmes ce que Jésus a aimé, et de savoir que votre exemple établit, mieux que des paroles, une morale pour le genre humain!”
