Lorsque Paul écrivit ces paroles: “Soyez transformés par le renouvellement de votre esprit,” il savait sans doute qu'il déclarait ce qu'était l'opération de la loi du Principe divin. Plus nous considérons la vie et l'histoire humaines, plus nous voyons clairement que rien de moins que la transformation ne suffira jamais à établir le règne de l'harmonie. Or, l'harmonie est le concept dominant de cet idéal humain de la parfaite existence appelé le ciel. Jésus dit: “Le royaume de Dieu est au dedans de vous.” Il est évident, naturellement, qu'il ne nous est possible d'atteindre l'harmonie parfaite que dans la mesure où nous nous affranchirons du mal et de la souffrance, et que nous démontrerons le gouvernement et la conduite du Principe divin.
Le tort de l'humanité dans tous les siècles, c'est d'avoir cherché le bonheur et le perfectionnement par des progrès matériels ou humainement intellectuels. Ces efforts ont-ils abouti? Nous n'avons qu'à jeter un coup d'œil sur les pages de l'histoire du monde pour trouver notre réponse. Nous y voyons l'écroulement des dynasties égyptiennes, la chute de la grande Babylone, les théories de dieux avec leurs divers autels, auxquels Paul fit allusion dans le discours qu'il prononça sur la colline de Mars, la corruption et la dégradation de la Rome triomphante. Des chefs poussés par la convoitise du pouvoir ont surgi, puis disparu. On a vu paraître pour un moment en caractères embrasés les noms de Cyrus, César, Alexandre, Napoléon, et d'autres encore, puis ils se sont évanouis!
D'un autre côté, sur la terre, un rayon de lumière spirituelle a réveillé dans la pensée humaine un pouvoir si vivifiant que “Le désert et la terre désolée sont dans la joie. La plaine aride est dans l'allégresse, et fleurit comme le lis... Le sol brûlé se changera en étang, et la terre altérée en sources d'eaux.” Les personnages qui ont transmis la lumière ont laissé derrière eux pour toute l'humanité et pour tous les siècles, l'influence et la puissance du bien. La conscience humaine s'est rapprochée davantage de la vraie source de l'être par des personnages tels qu'Abraham, père des fidèles, de qui a surgi Jacob, chef de la grande famille Israélite. C'est de cette famille qu'est né Moïse, celui qui donna au monde le Décalogue, base de toutes les lois de la civilisation. Après Moïse vinrent les prophètes, et enfin parut Jésus, l'oint, celui qui fut choisi par Dieu, le Fondateur du Christianisme qui devait transformer le monde. Ceux-ci et bien d'autres encore, puissants de par leur douceur, ont illuminé le monde et l'ont élevé à un plan plus haut de justice et de pureté.
Le trait caractéristique de cette catégorie d'hommes, c'est d'avoir toujours été prêts à sacrifier à leur juste conviction le moi et les intérêts personnels. C'est ce que montre d'une façon frappante le réveil mental d'Abraham qui le sépara de la maison de son père, des sombres croyances de son pays et du culte de plusieurs dieux et de plusieurs seigneurs, et qui l'envoya à la recherche du seul vrai Dieu vivant. Il renonça à tout pour le Principe; les rapports sociaux, les bonnes opinions de ses amis, les liens de famille ne comptèrent plus; l'ambition égoïste, la satisfaction personnelle cédèrent au Principe, et il ne s'appliqua plus qu'à établir la justice dans le monde. D'un autre côté, ceux qui ont voulu être les chefs parmi leurs semblables y ont souvent été poussés par des mobiles personnels et égoïstes. L'ambition égoïste, l'orgueil humain et la gloire de ce monde ont été les mobiles qui les ont influencés, et, à leur tour, ces choses ont produit le besoin de s'élever au-dessus des autres et la satisfaction personnelle qui entraînent la tyrannie, la cruauté, la rébellion, la confusion, l'amertume et la haine.
L'histoire humaine ne présente qu'une longue série d'efforts faits par l'humanité tantôt dans une direction, tantôt dans une autre, pour établir un pouvoir dominant. La monarchie a fait place à l'église, l'église à l'oligarchie, et enfin l'oligarchie à une certaine mesure de démocratie, mais toutes, étant pesées, ont été trouvées trop légères. On a établi des règles, formulé des lois, et ordonné des peines pour l'infraction de ces règles et de ces lois, mais toujours l'agitation et le mécontentement ont sévi. Certains hommes réclament continuellement des changements dans l'ordre social; ils vont même jusqu'à prêcher la révolution comme étant le moyen d'aboutir, leur dessein étant de renverser les conditions établies de gouvernement. Le réformateur radical, l'anarchiste, le Bolchéviste, fulminent contre la classe gouvernante et mettraient volontiers tout pouvoir entre les mains de gens ignorants. Mais toutes ces clameurs ne sont que la voix de l'égoïsme, la prétention que les gouvernants ont violé nos droits, porté préjudice à nos intérêts, et que, par conséquent, il faut nous défendre en rabaissant les autres et en nous élevant nous-mêmes. Quand bien même les conditions actuelles disparaîtraient, l'égoïsme régnerait toujours. Ces déclarations ne sont pas la voix du jugement équitable, ni de la vraie réforme. L'esprit qui a suscité les autocrates et les tyrans persiste toujours. Les troubles et les conflits actuels du monde sont basés en grande partie sur l'égoïsme. Si le mobile universel était celui d'aider à son prochain, il n'existerait ni guerre entre les classes, ni guerre d'aucune sorte. Que celui qui se laisse aller à l'impatience à cause de certaines conditions dans l'ordre social qui, à son avis, ne contribuent pas à l'égalité des hommes, que celui-ci, dis-je, examine bien sa propre pensée, et il ne tardera pas à y découvrir les germes de l'envie, de la jalousie, de la mauvaise volonté, ou de l'égoïsme! Qu'il soit aussi disposé à corriger ses propres défauts qu'il l'est à corriger ceux des autres, et il aura bien vite oublié qu'il croyait avoir des torts.
Lorsque Job posa la question: “Mais la sagesse, où la trouver? Quel est le lieu où réside l'intelligence?” il savait combien est frêle et fragile tout moyen humain, et voici sa conclusion: “La crainte du Seigneur, voilà la sagesse; Se détourner du mal, voilà l'intelligence!” En d'autres termes, il faut détourner son attention des considérations purement matérielles ou personnelles, et n'envisager la question que du point de vue de notre relation au Principe. Notre attitude ne devrait pas être: “Est-ce que ceci va être à mon avantage ou est-ce que ça va me nuire?” mais “Est-ce bien ou mal?” Non pas “Est-ce ce que je désire?” mais “Est-ce pour le bien de tous?” La crainte du Seigneur c'est la pensée humaine se réveillant et reconnaissant la suprématie du Principe divin et ses exigences infinies et inexorables; c'est ce qui nous révèle le fait que le mal, l'égoïsme et les torts n'ont aucune place dans la présence du Principe et que nous devons y renoncer. C'est là le remède scientifique pour toutes les conditions fâcheuses.
Ce qu'il faut avant tout n'est donc pas une amélioration physique ou intellectuelle; ce n'est pas la réforme de l'ordre social ou politique, mais le progrès spirituel. Or, le premier pas dans le progrès spirituel, c'est le désintéressement. Les grands réformateurs, les grands bienfaiteurs de l'humanité ont été les hommes et les femmes qui ont laissé de côté leurs intérêts personnels et qui n'ont eu que le désir d'aider à leur prochain. Après avoir cité le Premier Commandement, notre grand Maître dit: “Et voici le second, qui lui est semblable: ‘Tu aimeras ton prochain comme toi-même.’” Il donna comme règle de conduite pour la vie pratique ce qui a été qualifié depuis lors de Règle d'Or: “Tout ce que vous voulez que les hommes vous fassent, faites-le-leur aussi vous-mêmes.” En d'autres termes: Veillez aux intérêts d'autrui comme vous veilleriez aux vôtres en toute circonstance. Il nous faut veiller à notre attitude envers les autres plutôt que d'observer leur conduite en ce qui nous concerne. L'avancement spirituel nous encourage à examiner nos mobiles et à les corriger.
Seule la véritable pensée progressive est la pensée juste, et seule la pensée juste peut produire la transformation. Changer d'un état matériel à un autre n'implique pas que nous ayons été transformés. Les efforts que nous faisons pour avancer grâce à la pensée humaine seule, peuvent sembler avoir amélioré certaines conditions, et nous avoir rapprochés du fait spirituel, mais le résultat ultime ne sera encore qu'obscurité et confusion. A la page 264 de “Science et Santé avec la Clef des Écritures,” Mrs. Eddy dit: “Les mortels doivent porter leurs regards au delà des formes finies et évanescentes, s'ils veulent trouver le vrai sens des choses. Où les regards s'attacheront-ils, sinon au royaume insondable de l'Entendement? ... Lorsque nous réalisons que la Vie est Esprit, qu'elle n'est jamais dans la matière, ni matérielle, cette intelligence se développera jusqu'à devenir complète en soi, trouvant tout en Dieu, le bien, et n'ayant besoin d'aucune autre conscience.”
Il n'est pas agréable à l'entendement humain de se détourner de la matérialité, des théories et des méthodes mortelles, mais ce n'est que de cette façon qu'il fera de réels progrès. Il nous faut du courage moral pour faire ce pas, car en le faisant on se heurte à l'opposition. C'est la voie que dut suivre Abraham lorsqu'il quitta la maison de son père pour chercher “la cité qui a de solides fondements, et dont Dieu est l'architecte et le fondateur.” Moïse dut conduire les enfants d'Israël hors de l'Égypte pour arriver à changer leur manière de penser. Jésus se plaça à un point de vue qui était absolument différent des enseignements traditionnels et populaires de son époque, qui leur était même contraire. Ainsi en fut-il de ses disciples et de tous les grands réformateurs. Vers la fin du dix-neuvième siècle, nous voyons Mrs. Eddy qui, lorsqu'elle découvrit et fonda la Science Chrétienne, se mit en contradiction avec la pensée universelle concernant la science, la théologie et la médecine. Pour l'entendement orthodoxe et conservateur, ses données parurent, et paraissent encore aujourd'hui, alarmantes sinon ridicules, mais de même que Moïse et les prophètes, de même que Jésus et ses disciples fidèles, elle a prouvé sa foi par ses œuvres.
Mrs. Eddy savait parfaitement qu'elle ne pourrait rien faire en suivant la voie que suivent habituellement les réformateurs qui s'efforcent de rectifier les opinions régnantes en consentant à des compromis avec ce qui a déjà été prouvé inutile. Donc elle fut intrépide et tint ferme! Dans “l'exposé scientifique de l'être” elle déclare: “Il n'y a ni vie, ni vérité, ni intelligence, ni substance dans la matière. Tout est Entendement infini et sa manifestation infinie” (Science et Santé, p. 468). C'est sur ce fondement qu'elle appuya la réformation et le salut de la race humaine. Il s'ensuivit un bouleversement dans les idées du monde, et cette agitation s'est accrue, approfondie et répandue, jusqu'à ce que la foi du monde en la matière et les méthodes matérielles commence à s'ébranler et que, de nouveau, les hommes demandent: “La sagesse, où la trouver?” Or, l'état de perplexité et de confusion dans lequel la pensée humaine est plongée en raison de l'échec des méthodes établies, est très rassurant, car il montre que le monde se prépare à renoncer à ses idées erronées et à réclamer quelque chose de meilleur.
C'est sans doute ce que Jésus avait en idée lorsqu'il dit: “Heureux ceux qui pleurent,” c'est-à-dire ceux qui pleurent la perte, l'échec et la fausseté de la matérialité, car alors les hommes sont prêts à avoir recours à ce qui est réel et durable, et “ils seront consolés.” Les idéaux plus élevés de justice et de miséricorde commencent à poindre, maintenant que les passions de la malice et de la haine se sont épuisées. Le bien triomphe toujours. Les pleurs se transforment toujours en joie lorsque la pensée humaine se rend compte de son impuissance et cherche plus haut pour trouver la consolation. Mais ce n'est que lorsque l'élément spirituel pénètre en nous que nous sommes réellement transformés.
Nous ne devrions ressentir ni crainte ni anxiété quand les éléments de l'entendement mortel s'ébranlent, et que les maux cachés et les conditions erronées se découvrent, car ce n'est que le signe certain que la Vérité est à l'œuvre. Rien hormis la Vérité ne saurait découvrir et détruire l'erreur. Alors, si la conscience humaine fait assez de progrès pour que l'erreur à détruire se découvre davantage, pourquoi nous en alarmer? Assurément la vérité qui découvre l'erreur sera à même de la détruire. La Vérité peut-elle découvrir plus d'erreur qu'elle n'en peut détruire? A mesure que les hommes atteindront un sens plus élevé de l'être, cette perception plus claire et plus spirituelle fera disparaître toutes les formes de l'erreur. C'est à ce pouvoir transformateur de la Vérité que Mrs. Eddy fait allusion à la page 492 de Science et Santé où elle dit: “L'être est la sainteté, l'harmonie, l'immortalité. Il est déjà prouvé que la connaissance de ce fait, quelque minime qu'elle soit, élèvera la norme physique et morale des mortels, augmentera la longévité, purifiera et ennoblira le caractère. Ainsi le progrès détruira finalement toute erreur, et mettra l'immortalité en lumière.”
