Pendant des siècles l'humanité a adoré un concept personnel et limité de Dieu. Or le gouvernement d'un pays quelconque est évidemment le résultat de sa compréhension de la loi, du pouvoir,— en un mot, de Dieu; d'où il s'ensuit que le gouvernement des pays qui adorent un Dieu arbitraire, doué à la fois de qualités bonnes et mauvaises, est forcément despotique. Dans leur évolution vers une forme quelconque de gouvernement national les nations ont passé à travers certaines phases très distinctes qui correspondent dans une grande mesure avec leur discernement progressif de la vérité. Par le fait, il y a des rapports manifestes entre le concept mental que l'individu a de Dieu, et son idéal de la méthode la plus pratique d'administrer les affaires humaines.
Le type de gouvernement le plus général dans un pays quelconque, dès que ce pays est sorti de la simple tribu ou de l'état patriarcal, est théocratique, c'est-à-dire que l'esprit populaire accorde au gouverneur des qualités divines, et que son pouvoir dépend de cela. Il est évident qu'un seul homme ne saurait tyranniser une nation. C'est que le peuple se soumet à l'idée qu'il représente, et que leur croyance superstitieuse et ignorante aux pouvoirs semi-divins qu'il est supposé exercer permet au tyran de construire des organisations capables d'opprimer, de tromper et d'exploiter le peuple. Il y a quelques années le gouvernement d'une certaine nation Orientale, lorsqu'il vit que le peuple s'opposait fortement à une mesure qu'il désirait faire adopter, réussit à vaincre leur opposition en faisant décréter cette mesure par un ex-gouverneur despotique, ce qui montre que le peuple était plus disposé à obéir à un souverain autocratique qu'aux représentants qu'il avait lui-même élus. Les Israélites, à une certaine période de leur histoire, alors que leur compréhension de la Vérité avait été obscurcie par les croyances des nations environnantes, demandèrent un système monarchique de gouvernement. Sous cette influence l'attente d'un Messie chez les Juifs ne pouvait s'élever au-dessus du niveau d'un guerrier puissant, un gouverneur personnel, un grand roi.
Les églises ont enseigné que le bien et le mal dérivent tous deux de Dieu; que l'administration divine peut dépendre du caprice. C'est ainsi qu'ils ont contribué à construire avec cette croyance une divinité qui ressemble à un humain, et ils ont encouragé chez les nations une subordination à un régime despotique, leur assurant que c'est là la méthode de salut divinement autorisée. Mais, petit à petit, à mesure que se relâchèrent les liens des anciennes croyances théologiques, l'humanité comprit mieux la vraie structure du gouvernement, jusqu'à ce que, en l'an 1875, Mrs. Eddy publiât “Science et Santé avec la Clef des Écritures;” et donnât au monde la pleine révélation de Dieu, le bien, en tant que Principe.
Cette révélation de la Vérité a transformé la pensée du monde sur le sujet de l'autorité, de sorte que nous voyons, dans presque tous les pays, une tendance vers une représentation plus équitable des vues du peuple et une sollicitude accrue au sujet de leur bien-être. Ce n'est pas la simple extension du suffrage, ni l'affranchissement de tout contrôle externe, ni les réformes législatives qui nous assureront un gouvernement idéal. La nation considérée collectivement, bien qu'elle soit sans aucun doute plus équitable et plus juste dans son jugement qu'une seule classe ne saurait l'être, est néanmoins influencée par quelque réclame, ou par les vues d'un certain parti qui sont souvent bien loin d'être la vérité. Dans cet ordre d'idées nous n'avons qu'à nous rappeler l'entrée triomphale de Jésus à Jérusalem, suivie au bout de quelques jours de son procès devant Pilate et du cri de la foule: “Crucifie-le,” ainsi que l'aveuglement du peuple sur le Jésus ressuscité et leur ignorance de la résurrection.
Les pays ne sauraient se réveiller au vrai sens de ce qui constitue une nation, avant que les pensées de l'individu obéissent aux exigences du Principe. Mrs. Eddy explique ceci très clairement dans Miscellany (p. 189) où elle dit: “Le gouvernement de l'Amour divin dérive son omnipotence de l'amour qu'il crée dans le cœur des hommes; car l'amour est loyal et il n'y a pas de loyauté sans amour.” Il en sera ainsi lorsque les pensées et les actions, non seulement de ceux qui sont censés gouverner, mais encore de la nation toute entière, seront imbues de l'esprit d'une affection désintéressée. Ce n'est que dans la mesure où leurs buts et leurs mobiles ont été purifiés de toute pensée du moi, du désir de pouvoir humain, et de l'exercice de la volonté humaine, qu'un gouvernement, quel qu'il soit, puisse devenir réellement démocratique. C'est un truisme que d'affirmer que les réformes et les révolutions ont été produites par le petit nombre; et que la voix du peuple, quoiqu'elle soit bien au-dessous du niveau du réformateur en intuition spirituelle, est bien souvent, au point de vue conservateur, la protection contre les intrigues du fanatique. Par le fait, le monde est arrivé au point de développement où la voix populaire est, dans la majorité des cas, une influence jetée du côté du droit et de la justice, donc le grand abîme qui se trouve entre le gouvernement par la populace et le vote pondéré du peuple a été franchi.
Parlant au sens absolu, l'homme ne saurait gouverner l'homme, et il ne peut se gouverner lui-même sans réaliser que Dieu gouverne. L'homme mortel croit pouvoir régir son prochain et promulguer les lois qui l'opprimeraient, alors qu'en réalité l'homme est l'expression de l'Entendement, et les seules lois sont les lois de l'Entendement. Donc l'homme véritable est incapable de nuire à son prochain, il doit forcément l'aider,— et il le fait en réalisant que l'homme est l'expression de Dieu, et que Dieu le gouverne absolument. Autrefois les hommes s'inclinaient devant leurs gouvernements et les craignaient; ils les craignaient parce que ceux-ci représentaient la tyrannie.
La tendance actuelle est de critiquer, de soupçonner, et, si possible, de renverser toute forme de gouvernement quelle qu'elle soit. Il se peut que certaines classes qui ont été délivrées de la domination des craintes qui les avaient assujetties pendant des siècles, jouissent d'une prospérité nouvellement découverte et qu'elles n'aient pas réalisé le fait fondamental que la liberté et la loi ne font qu'une seule et même chose, et que sans loi il n'est pas de liberté. C'est une illusion à nulle autre seconde que de croire que les lois véritables circonscrivent la liberté. L'essence de la vraie loi est de donner une liberté et une domination accrues à ceux qui y obéissent. Cela est manifeste sur le plan humain, dans la mécanique par exemple, où la conformité aux lois de la mécanique a produit le chemin-de-fer, le téléphone, les paquebots qui traversent l'océan, et toutes les inventions de la mécanique dont dépend la civilisation d'aujourd'hui. Ainsi en est-il de la perception et de l'application correcte des lois de la métaphysique qui élargissent la sphère de l'activité des hommes et augmentent sa liberté et son bonheur.
Le Scientiste Chrétien qui étudie les œuvres des écrivains du temps présent, se réjouit de voir combien les idéaux de la vérité commencent de pénétrer la pensée universelle; le levain travaille, et bien qu'il soit annoncé par des bouleversements, la voix de la Vérité se fait néanmoins entendre. Les idéaux de coopération, d'efforts désintéressés, d'unité, de fraternité, font partie du vocabulaire de presque tous les écrivains et orateurs. Si parfois il nous semble qu'on se serve de ces paroles sans bien se rendre compte de leur signification, nous savons néanmoins que la voix de la Vérité se fait entendre, se sert même de témoins inconscients. Nous savons aussi que l'harmonie se manifestera dans la conduite des affaires publiques, dans la mesure où ces idées vraies seront comprises, et que les affaires des nations seront gouvernées, non du point de vue d'une croyance aveugle en des moyens humains et en des méthodes humaines, mais du point de vue de la connaissance métaphysique pratique,— c'est-à-dire d'une connaissance démontrable de Dieu.
