Depuis l'époque des anciens prophètes les hommes ont cherché dans les oiseaux le symbole de la liberté, l'emblème d'un joyeux affranchissement du fardeau de l'asservissement dont l'entendement mortel a doté l'homme de sa propre création. Daniel vit dans l'aigle l'expression des attributs de la jeunesse: liberté, légèreté, force, activité, espérance; qualités qu'on associe généralement au printemps de la vie. Ésaïe vit dans les ailes de l'aigle le symbole de la pensée ascendante, exaltant à tel point ceux qui s'attendent au Seigneur, que, sentant l'assurance de leur heureuse libération des entraves de la matérialité, ils "prennent de nouvelles forces;" en vérité "ils élèvent leur vol comme des aigles," ou, restant sur la terre ils "courront, et ne se fatigueront pas;" ils "marcheront, et ne seront jamais lassés."
Les grands poètes ont adopté ce même symbolisme, ils trouvent dans les oiseaux l'apothéose même de leur idéalisme jusqu'à ce que, prenant leur essor, libérés du poids des fardeaux terrestres, arrivés à des altitudes sublimes, ils battent des ailes aux portes même du ciel. Dans le poème de Wordsworth, "A l'Alouette" tel qu'il parut tout d'abord nous trouvons ces lignes:—
Monte avec moi, monte avec moi aux nues!
. . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Toi qui vis si heureuse, si heureuse,
Qui a l'âme forte comme un fleuve dans la montagne
S'épanchant en louanges au Dispensateur Tout-puissant.
Quelle expression de joie, de bonheur, de gaîté de cœur que l'essor de l'alouette! Elle s'élève de son nid bâti sur le sol, elle monte par son escalier aérien dessinant de larges spirales jusqu'à ce qu'on la perde de vue dans les profondeurs bleues du ciel, et tout le temps il en jaillit un torrent de chant ravi, qu'on entend distinctement même après avoir perdu de vue la chanteuse. Cette ascension et ce chant symbolisent bien la tendance ascensionnelle de la conscience humaine qui se réveille. Le poète n'a pu résister à la similitude, car il y contemple la contrepartie de sa propre exaltation spirituelle, quelque idéal et impraticable que cela puisse paraître pour celui qui est chargé et entravé du rebut et de la lie terrestres. Cependant, cette expérience, cette élévation mentale, cette joie suprême du cœur est accessible à tout humain qui réalise, même dans une certaine mesure, la vérité de son être. Le poids devient léger, les fardeaux tombent, les entraves se relâchent lorsque vient la compréhension que Dieu est l'infini Père-Mère, Amour parfait, seule cause et seul créateur de l'univers; que l'homme est Sa pleine et complète expression, parfait et éternel comme Dieu, que le vieil homme, l'homme qui craint et qui doute, qui éprouve la maladie et la mort, n'a ni place ni part dans l'infinitude de la Vérité, mais qu'il n'est que mensonge, que rêve, dont doit se réveiller la conscience. Est-ce surprenant alors que le cœur plane et chante, qu'il rivalise l'alouette dans sa glorieuse liberté? Ce réveil découvre un nouvel univers, le ciel nouveau et la terre nouvelle, le royaume du réel, absolument séparé des peines et de l'esclavage terrestres, et à mesure que la vision devient plus claire on a un sens toujours plus profond de la liberté.
A un endroit déterminé sur cette voie de la pensée ascendante, du développement spirituel, il se révèle dans la conscience humaine le grand fait que l'homme étant l'image, l'expression de Dieu, sa seule activité est le reflet du bien; et que c'est là la seule activité (les seules affaires) que l'homme a jamais eue, qu'il a actuellement ou qu'il aura jamais. Ainsi donc on voit que les occupations utiles, les industries, et les vocations humanitaires auxquelles les hommes ont jugé nécessaire de s'adonner pour gagner leur vie ne sont après tout que les canaux par lesquels l'Amour divin s'exprime, conformément à la volonté bonne et parfaite de Dieu. Dès qu'on comprend que l'homme "n'est que l'humble serviteur de l'Entendement paisible" (Science et Santé, p. 119), l'activité revêt un aspect plus divin, et le labeur même le plus dur et le plus humble devient une tâche joyeuse et exaltante. Le cœur chante, et la lassitude disparaît.
"Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous soulagerai," telle est l'invitation bienveillante nous engageant à nous détacher des liens du sens matériel et à trouver le repos parfait, la joie spirituelle dans le service bienheureux du ministère du Christ. Mrs. Eddy nous dit à la page 265 de Science et Santé: "Il faut que les mortels gravitent vers Dieu, que leurs affections et leurs desseins se spiritualisent,—il faut qu'ils abordent les interprétations plus larges de l'être, et qu'ils gagnent un sens plus juste de l'infini,—afin de se dépouiller du péché et de la mortalité." C'est là notre tâche, ou plutôt notre privilège précieux et la voie a été tracée et marquée jusqu'à ce qu'elle soit si bien définie que tout chercheur sincère de la Vérité puisse la trouver et la suivre. Et à mesure que nous prenons notre essor, que nous allons toujours plus haut et plus loin, dans le domaine de la lumière, il vient, dans l'expérience de chacun ce que le poète Samuel Longfellow a si bien prophétisé:—
Le pas plus libre, le souffle plus profond,
La vue sublime de plus larges horizons,
Le sens de Vie qui ne connaît pas la mort,—
La Vie qui apporte le renouveau en toutes choses.
