L'histoire et la tradition relatent maints changements intéressants dans les vues humaines sur l'état futur de l'existence. La croyance à un domaine de peine et de souffrance, qu'on appelait autrefois le hadès ou sheol, a son origine dans des temps si reculés qu'on ne saurait la retrouver facilement, mais il est évident que cette croyance était fermement établie dans la pensée des peuples primitifs et que, selon eux, toute l'humanité aboutissait à ce lieu de désespoir après la mort et qu'ils y étaient punis selon les fautes qu'ils avaient commises sur la terre. On ne pouvait espérer s'y soustraire.
Il est vrai que dans leur pensée le ciel existait aussi, mais il était le domaine exclusif de leurs dieux, et nul être enclin aux faiblesses humaines ne pouvait espérer y atteindre. Cependant, avec le temps, la pensée progressa jusqu'à croire qu'il était possible d'éprouver une telle purification après la mort que l'on pourrait être admis au domaine des dieux, et plus tard parut la doctrine qu'il était possible de passer directement du plan de l'existence mortelle au domaine des bienheureux, grâce à quelque acte éclatant de service ou d'héroïsme. Ces transitions directes étaient cependant considérées comme extrêmement rares, et comme étant possibles seulement pour ceux qui s'étaient tellement ennoblis dans les vertus qu'on estimait alors très haut, que cela les mettait au rang des dieux qu'ils devaient fréquenter.
La croyance au sheol, à l'enfer, comme on l'appela plus tard, en tant qu'endroit sous la surface de la terre, et au ciel en tant qu'endroit au-dessus de la surface du monde, était en partie le résultat de l'enseignement accepté que la terre était plate. Apparemment la lumière venait d'en haut; d'où il s'ensuivait qu'un lieu de lumière et de beauté devait forcément être au-dessus de la terre. Dans les ténèbres et l'obscurité au-dessous de la surface de la terre se trouvait la localité naturelle de l'enfer, selon la conception régnante de ce mot. De plus, pour le monde primitif, le ciel était un dôme ou mur solide dans lequel étaient fixées les étoiles, et ce dôme ou mur séparait la région de la terre habitée par l'humanité du domaine du ciel habité par les dieux. Aujourd'hui ces croyances nous paraissent absurdes, cependant les gens s'y ancraient d'une façon générale aussi fermement que de nos jours ils s'ancrent aux croyances plus modernes concernant le ciel et l'enfer.
Pour tous ceux qui acceptent la théorie de Copernic sur l'univers, l'absurdité de ces croyances est manifeste, car si la terre tourne sur son axe une fois toutes les vingt-quatre heures, celui qui montre du doigt le ciel en élevant la main, indique à midi une direction diamétralement opposée à celle qu'il indique à minuit. Cependant la superstition est si lente à céder à la raison que l'imagination dispute encore aux faits ce terrain incontestable.
Les espérances de l'humanité concernant une vie future de félicité et les modes de transférence pour y arriver, ont certainement été très variées. L'Hindou, libéré par la mort, s'élevait vers une demeure de bonheur en gravissant le mont Meru; l'Égyptien s'embarquait pour les Champs Élysées dans "la barque du soleil"; les Grecs primitifs atteignaient le domaine des dieux en escaladant l'Olympe d'Homère; l'Athénien plus moderne était piloté à travers le sombre Styx vers l'île des bienheureux, tandis que le Peau-Rouge s'attendait à la joie d'heureuses terres de chasse. Mais pas un de tous ceux-ci comprenait le ciel tel qu'il fut défini par Jésus. La pensée matérielle exigeait un ciel matériel, et fournissait en retour un concept matériel.
"Le ciel," dit Mrs. Eddy à la page 291 de Science et Santé, "n'est pas une localité, mais un état divin de l'Entendement dans lequel toutes les manifestations de l'Entendement sont harmonieuses et immortelles, parce que le péché n'est pas là et que l'homme est révélé comme n'ayant pas de justice qui lui soit propre, mais possédant 'l'esprit du Seigneur,' comme dit l'Écriture." Lorsque cette définition de ciel, comme étant "un état divin de l'Entendement" fut donnée pour la première fois, il y a un demi-siècle, on pensa que l'auteur de cette définition avait jeté le défi à une des croyances les plus sacrées de l'église orthodoxe. En vérité, à ce moment-là, nier l'existence du ciel et de l'enfer en tant que localités distinctes, c'était dans la majorité des églises renoncer pour toujours à l'espoir du ciel et être condamné éternellement aux tortures de l'enfer. Quel changement s'est opéré pendant ces cinquante ans! Il est vrai qu'il y a encore beaucoup de gens qui se rivent aux vieux concepts matériels, mais des milliers d'églises considèrent aujourd'hui que c'est prouver son ignorance d'affirmer que le ciel et l'enfer sont des localités déterminées. Il est rare qu'on entende aujourd'hui les menaces terribles de damnation éternelle au sein des flammes, au sens littéral de ce mot, et on ne considère plus les splendeurs matérielles comme étant la vraie représentation de la sainte cité. Les fétiches, les dogmes, la superstition ont dû reculer lentement, mais sûrement devant la vérité, surtout depuis que la Vérité, telle qu'elle est révélée dans la Science Chrétienne, a été reconnue.
Mais tandis que les anciennes croyances vont s'écroulant, les organisations qui s'y rivaient ont trouvé qu'il était de plus en plus difficile de leur substituer un concept qui soit satisfaisant. Par conséquent les croyances religieuses s'effondrent graduellement dans ces églises et c'en est là la débâcle inévitable, étant donné les progrès qu'a faits la raison. Pour l'observateur il est clair que l'intérêt aux activités des églises en dehors de celle de la Science Chrétienne va décroissant et que cela résulte inévitablement de ce qu'elles n'aient pas enseigné ce qui supporte la lumière du projecteur de la raison et de la vérité.
Une étude de la Bible, livre auquel toutes les dénominations Chrétiennes professent de croire, donne le vrai concept du ciel dès qu'une lueur, même petite, de la Science Chrétienne se projette sur elle, car la définition ci-dessus donnée, "un état divin de l'Entendement," coïncide absolument avec l'enseignement de la Bible à ce sujet. On trouve à maints endroits de la Bible les termes "royaume du ciel" et "royaume de Dieu," surtout dans le Nouveau Testament, où ces termes sont synonymes. Jésus réprouva la croyance au ciel en tant que localité lorsqu'il dit: "Le royaume de Dieu ne vient pas de manière à frapper les regards, et l'on ne dira pas: Il est ici, ou: Il est là; car voici, le royaume de Dieu est au-dedans de vous." Si ses paroles sont vraies, que pourrait être le royaume de Dieu sinon un état mental?
Ce concept du ciel en tant que domaine de la conscience divine n'est pas entièrement nouveau. Les Israélites progressèrent au delà de la croyance en un ciel physique lorsqu'ils atteignirent le concept plus élévé de l'unique Dieu omnipotent, qui est partout, et qui, par conséquent, ne pourrait être circonscrit par des limites. Dans les psaumes nous notons qu'il est souvent fait mention du ciel, dans un langage qui exclut toute pensée de localité. Marc rapporte dans son premier récit de l'œuvre missionnaire de Jésus que celui-ci réprouva le concept populaire d'un ciel éloigné par cette proclamation: "Le royaume des cieux est proche," et il l'accompagna de l'appel qu'il fit à ses auditeurs pour les persuader de se repentir (littéralement, de renverser leur manière de penser à ce sujet). Lorsque le Nazaréen donna pour la première fois son message à son prochain dans le village où il avait été élevé, il annonça qu'il était venu pour "proclamer l'année favorable du Seigneur," ce qui équivalait à déclarer que Dieu règne actuellement. Les apôtres furent enjoints de prêcher que "Le royaume de Dieu est proche," et Paul réitéra l'injonction à ceux qui le suivaient. On nous dit dans les Actes que les disciples allaient partout, proclamant que le royaume de Dieu est venu, ou est proche.
Que signifient réellement ces paroles répétées si souvent, si ce n'est que le ciel, le règne de l'Amour divin est un fait actuel et éternel de la conscience spirituelle? Si le ciel est proche, nous ne pouvons y arriver en voyageant vers un domaine éloigné, et encore moins pouvons-nous y arriver par le fait de mourir. S'il est au dedans de nous, il n'est borné ni par des murs de jaspe ni coupé par des rues d'or. Le symbolisme de l'Orient, qui, bien compris, représente un ciel de conscience purifiée, éblouissant d'idées plus précieuses et plus belles que ne pourrait les décrire aucun langage humain, ce symbolisme, dis-je, nous plonge dans la fange même de la superstition lorsqu'il est mal compris.
Jamais message plus chargé de bienfaits ou plus significatif ne fut proclamé à l'humanité que cette déclaration constamment répétée des Chrétiens primitifs: "Le royaume des cieux est proche." Le mystère des miracles, même celui de ressusciter les morts, est clair lorsque cette déclaration est comprise. Toute démonstration de la Science Chrétienne est fondée sur la compréhension du royaume de Dieu déjà établi comme un fait incontestable. C'était la claire compréhension du royaume de la loi spirituelle actuellement présente, et si parfaitement démontrée par Jésus, qui permit aux Chrétiens primitifs, durant au moins deux siècles après son époque, de faire les œuvres qu'il fit, et qu'il déclara que ceux qui comprendraient sa doctrine feraient aussi. Ce fut la perte de cette intelligence du royaume de Dieu toujours présent qui entraîna la perte du pouvoir guérisseur dans l'église Chrétienne; et c'est la restauration de cette intelligence grâce à la "Clef des Écritures" par Mrs. Eddy qui restaure ce pouvoir guérisseur. Nier l'existence actuelle de ce royaume spirituel, c'est jeter des doutes sur la Bible depuis l'histoire de la création au premier chapitre de la Genèse, jusqu'à la description que Jean fit de la ville sainte dans l'Apocalypse.
Dans ce royaume de Dieu il n'y a ni maladie, ni péché, ni mort; il n'y a pas de matière; il n'y a pas non plus de lois, de conditions ou de croyances matérielles. Ses murs sont les bornes infinies de la beauté et de la bonté spirituelles; ses portes, le portail de la conscience purifiée; ses rues, l'or pur de la vie vécue spirituellement et dont tout le rebut du matérialisme a été détruit. Nous approchons de ces portes dans la mesure où nous dépouillons le vieil homme et revêtons l'homme nouveau, où nous cessons de croire aux choses matérielles et apprenons à connaître les choses spirituelles. La mort ne nous rapproche pas davantage du ciel, parce que la croyance à la mort devra être vaincue avant qu'on puisse arriver au ciel. Nous ne pourrons jamais voir le ciel au moyen d'yeux matériels, ni le comprendre au moyen d'un cerveau matériel. Cependant, nous pouvons le réaliser dans la mesure où nous croissons dans la compréhension et dans la pratique de la vérité. En faisant cela nous découvrons que le royaume des cieux, "l'harmonie de l'être" (Miscellaneous Writings, p. 53), est réellement au dedans de nous ici et maintenant, dans la mesure où nous le comprenons.