Prenant un bloc de bois sec et dur, le sculpteur suisse, avec la patience que lui inspire son grand amour pour le travail, façonne une image qui est la ressemblance presque parfaite de quelque héros ou objet préféré,—c'est peut-être son bien-aimé Guillaume Tell pour lequel il a pris comme modèle un vigoureux montagnard, ou bien encore c'est un gracieux chamois, un noble St. Bernard, ou une guirlande de sa fleur nationale, l'édelweiss, qui croît dans la neige sur les hauteurs des montagnes de sa patrie. Quel que puisse être son sujet, il fait hardiment pour commencer de fortes entailles dans le bloc de bois qui prend bientôt la forme de son modèle. Cependant, à mesure que son travail avance et qu'il entreprend les détails plus minutieux de la structure, les progrès se ralentissent de plus en plus, ses entailles deviennent de plus en plus légères, les outils dont il se sert sont de plus en plus délicats, si bien qu'il passe peut-être des heures à des détails si minutieux qu'ils sont à peine visibles pour quiconque donne un coup d'œil en passant, et qui, pourtant, sont nécessaires pour que le modèle soit assez ressemblant. Or, les résultats du labeur de cet artiste et la mesure de sa réussite dépendront du choix de son modèle, des capacités qu'il possède pour produire une ressemblance fidèle à ce modèle, de l'ardeur et de la patience qu'il mettra à l'accomplissement de sa tâche. Le véritable artiste voit mentalement l'image exacte de son sujet, et son travail est de reproduire ceci en enlevant du bloc, petit à petit, tout ce qu'il faut faire disparaître pour que la forme parfaite soit révélée.
Tout humain est un artiste occupé à reproduire un modèle quelconque, celui qu'il a dans la conscience, qu'il soit digne d'être copié ou non, qu'il soit noble ou vil, bon ou mauvais; et, pour lui comme pour le sculpteur sur bois, sa réussite dépendra du choix de son modèle et du soin qu'il prendra à le reproduire minutieusement. Mrs. Eddy dit à la page 248 de Science et Santé: "Il nous faut former des modèles parfaits dans la pensée et les contempler constamment, autrement nous ne les reproduirons jamais jamais dans des vies sublimes et nobles."
Le Scientiste Chrétien choisit pour son modèle celui qu'il a vu sur la montagne, l'idée-Christ que vit Moïse, cette idée-Christ qui fut complètement représentée et démontrée dans l'enseignement et les œuvres du plus grand de tous les artistes, l'ouvrier par excellence, le patient et humble Nazaréen. Ayant ce modèle parfait devant lui, le travailleur sérieux entreprend de le révéler en écartant de la conscience tout ce qui est une fausse représentation de l'image-Christ. Si son travail se fait avec assiduité, avec patience et avec humilité, son ouvrage avance rapidement, se manifestant dans des pensées purifiées et dans le désintéressement, et s'exprimant par de bonnes œuvres et par des services rendus avec amour. Les croyances matérielles les plus grossières se montrant sous forme de mauvaises habitudes, d'appétits et de passions, sont les premières à tomber sous les coups irrésistibles de la Vérité. La malhonnêteté, l'envie, la haine, la malice et tout le mal qu'elles entraînent cèdent à la tempérance, à l'honnêteté, à l'affection, à la douceur, à la foi, et à l'espérance, lorsqu'on approche de la perfection de l'image-Christ.
A mesure qu'on avance, la nécessité peut se faire sentir de se consacrer plus complètement aux détails pour découvrir et faire disparaître les phases plus subtiles de l'erreur qui sont aptes à se cacher, à s'ancrer dans les sombres recoins de la pensée mortelle. Il faut souvent la plus grande humilité et la plus grande consécration, et il faut sans cesse se tourner vers le modèle parfait, afin que l'orgueil, l'égoïsme, la propre-volonté et l'amour du moi soient reléguées là où il convient qu'ils le soient, jetés sur le monceau de copeaux inutiles qui est l'évidence du bon travail de l'ouvrier. "Précepte sur précepte, règle sur règle, ... vétille par-ci, vétille par-là," tel est l'ordre que suit le progrès dans cette régénération de la conscience humaine, le travailleur étant toujours soutenu et inspiré par I'incomparable exemple de Jésus qui avait réussi à exprimer l'image-Christ comme aucun ne l'avait fait jusque-là. Le salaire d'un tel ouvrier n'est pas remis "jusqu'au lendemain." Il reçoit chaque jour sa récompense, non sous forme d'applaudissements ou d'approbation de la multitude, non sous forme d'honneurs terrestres et de gain matériel, qui ne dénotent que les convoitises de la chair et l'orgueil de la vie, mais sous forme de sérénité, de paix et d'assurance qui témoignent inévitablement du voyage ascendant vers le but du désir légitime.
En ce cas le salaire est exactement proportionné au travail; il n'est ni plus ni moins qu'une compensation juste et adéquate; car toutes les fois qu'un faux concept a disparu, une idée vraie, une phase de réalité se révèle. De plus il est individuel: on ne peut confisquer le trésor spirituel de son compagnon de travail, on ne peut profiter du salaire d'autrui, si ce n'est en suivant le bon exemple qu'il donne. Il faut que chacun sculpte son propre modèle, fasse son propre travail, révèle individuellement l'image-Christ, d'après le modèle vu sur la montagne, "jusqu'à ce que nous soyons tous parvenus ... à l'état d'hommes faits, à la mesure de la stature parfaite du Christ."