On est frappé de l'attention et de la critique qu'a toujours éveillé l'incident qui eut lieu dans la maison de Béthanie, et dont on trouvera le récit au chapitre dix de Luc, mais c'est assurément aujourd'hui que cette attention et cette critique ont atteint leur maximum. Combien de disputes à ce sujet n'a-t-il pas suscité, combien de Marthes ont été raillées, combien de Maries ont été louées,—cependant, nous lisons dans l'évangile de Jean que "Jésus aimait Marthe." Le tableau est si simple, si naturel, il nous montre le convive vénéré, Marthe, la ménagère affairée, et Marie, la sœur contemplative. Alors d'où est venue l'irritation qui donna lieu à la demande de Marthe, telle que Luc la rapporte: "Seigneur, ne considères-tu pas que ma sœur me laisse servir toute seule?"
Il y a des centaines de Marthes qui comprennent fort bien la raison de son irritation. Celui qui étudie la Science Chrétienne se rend compte qu'elle était tombée entre les mains de brigands, des pensées voleuses qui hantent la voie de toute ménagère matérielle,—le désir de plaire, l'ennui de la corvée, l'énervement et l'impatience, d'innombrables petits tracas. Nul ne doute que Marthe eût aimé s'asseoir aux pieds de Jésus comme le fit Marie; n'était-ce pas ce désir ardent qui rendait ces "divers soins" si durs, et qui suscita la remarque qui semble, à l'entendre une expression de convoitise. Si Marthe avait été indifférente aux paroles du Maître elle se serait absorbée dans les préparatifs, et n'aurait été que trop heureuse d'avoir l'occasion de préparer un repas qui lui fît honneur. D'autre part, si elle avait été sur un plan plus élevé de perception spirituelle, elle aurait fait son travail plus tranquillement et aurait davantage nourri dans son cœur son divin secret en voyant l'attention ravie avec laquelle Marie recevait les paroles qui tombaient des lèvres de notre Maître, lui qui était le maître spirituel de la maison.
Il est intéressant de relire la question de Marthe et la réponse. qu'y fit le Seigneur: "Seigneur, ne considères-tu pas que ma sœur me laisse servir toute seule? Dis-lui donc de m'aider. Le Seigneur lui répondit: Marthe, Marthe, tu te mets en peine et tu t'agites pour beaucoup de choses; mais une seule chose est nécessaire. Et Marie a choisi la bonne part, qui ne lui sera point ôtée." Lorsqu'on perçoit le sens spirituel de la demande de Marthe, on voit disparaître une grande partie de l'irritation que paraît renfermer cette demande; au vrai, la question a plutôt l'air d'un désir d'instruction, et assurément la réponse de Jésus ne renferme pas la condamnation mordante que d'autres lui imputent si souvent lorsqu'ils jugent un esprit semblable à celui de Marthe.
Les choses auraient-elles pu se passer autrement? Notre Seigneur n'était-il pas certain de reconnaître la pensée réceptive, toute prête à s'épanouir à la lumière de son amitié éclairée? Il ne peut y avoir eu de dureté, il ne peut y avoir eu que la parole de guérison, le "Cherchez d'abord le royaume de Dieu." En quittant le récit de Luc nous nous tournons avec une curiosité empressée vers la description que St. Jean nous donne de ces mêmes sœurs. Considérons le caractère de Marthe tel qu'il est représenté au chapitre onze. C'est toujours le même empressement. La conversation qui eut lieu entre Jésus et Marthe à la tombe de Lazare est d'un intérêt saisissant. Toutes les paroles de Marthe montrent qu'elle était convaincue du pouvoir de l'Esprit manifesté par Jésus. Bien que son frère fût mort depuis quatre jours, elle dit: "Et maintenant même, je sais que tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te l'accordera."
Marthe et la Samaritaine, reçurent chacune du Seigneur des paroles qui étaient parmi les plus profondes qu'il prononça jamais. Ce fut à Marthe qu'il dit les paroles si souvent citées, et qui commencent ainsi: "Je suis la résurrection et la vie." Tous reconnaissent combien est grand le rôle qu'a joué dans l'histoire Chrétienne la confession de Pierre, mais il est rare que nous entendions parler de la même confession venant de Marthe. Au vingt-septième verset de ce chapitre Jean nous dit qu'elle prononça ces paroles: "Je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu, celui qui devait venir dans le monde." A cette époque de l'incrédulité de cœurs endurcis, cette femme courageuse avoua sa perception de la vérité et déclara sa conviction que Jésus était le Consolateur promis. Cependant, pour consoler toutes les Marthes qui luttent et qui travaillent dur à cette époque où tout est poussée et lutte, soit dit que lors du festin qui suivit la résurrection de Lazare ce fut encore Marthe qui servait.
Combien est agréable le tableau de la maison de Béthanie où Jésus était toujours le bienvenu. Si ce tableau a touché le cœur des poètes et des artistes, combien plus les Scientistes Chrétiens se sentiront-ils le cœur rempli de gratitude que ces scènes et ces paroles leur aient été conservées. Nous ferons bien de réfléchir sur ces paroles rapportées: "Or Jésus aimait Marthe, et sa sœur, et Lazare," et dès que nous verrons le rapport qu'il y a entre elles et notre expérience actuelle, nous réfléchirons à nouveau sur les paroles que notre Guide prononça concernant les Scientistes Chrétiens (Science et Santé, p. 35), "Ils s'inclinent devant le Christ, la Vérité, pour recevoir une idée plus élevée de sa réapparition et pour communier silencieusement avec le Principe divin, l'Amour."