Trois Hindous s'étaient endormis dans un bateau qu'ils avaient trouvé vide dans le port, et durant la nuit leur frêle barque, s'étant démarrée, s'en alla à la dérive en pleine mer. Il passèrent presque trois jours sans manger ni boire, n'ayant pas de rames pour faire marcher leur bateau. La perspective n'était pas encourageante, et d'heure en heure ils s'éloignaient davantage de leur point de départ. Ceux qui ont passé par de semblables expériences peuvent facilement s'imaginer quelles durent être leurs pensées. Le troisième jour, au matin, ils virent un grand paquebot qui approchait; les officiers vigilants avaient aperçu la barque qui voguait au gré des vents, et avaient changé le cours du vapeur afin de lui apporter les secours nécessaires. En très peu de temps les trois hommes furent hissés à bord et on leur prodiguait des soins comme seuls les marins savent le faire, et leur frêle barque fut abandonnée à la merci des vagues. Le jour suivant on les débarquait au premier port où on mouillait et qui était à quelques centaines de milles seulement de l'endroit qu'ils habitaient.
La position de ces trois hommes symbolise bien celle de tout mortel avant que la Vérité, telle qu'elle est révélée par la Science Chrétienne, vienne le secourir et qu'elle lui prodigue les soins que demande son état, tant physique que mental. Qu'il s'en rende compte ou non, il s'est endormi dans la croyance à la vie, la substance et l'intelligence dans la matière, et il va simplement à la dérive, s'éloignant de plus en plus de sa vraie demeure. Il est plongé dans le profond sommeil des sens, il voit ce qu'il croit, et il croit ce qu'il voit, inconscient du danger qui le menace. Les vagues de l'erreur se déferlent contre sa barque dépourvue de gouvernail, mais il continue de dormir, jusqu'à ce que, poussé par la faim et la misère, sentant que Dieu l'a abandonné, il prie ardemment pour avoir le "pain de vie." Alors est-il que, grâce aux épreuves et aux tribulations, il commence à se réveiller du rêve effroyable de la terre et découvre que Dieu ne l'a jamais abandonné, mais qu'il est toujours prêt à accueillir toute brebis qui s'égare pour avoir quitté le bercail. Quelle belle preuve de ceci nous donne la parabole de l'enfant prodigue! Tout mortel né dans ce rêve des sens, qu'il soit l'enfant d'un roi ou d'un paysan, s'est égaré loin de la demeure véritable de l'homme, s'est laissé aller à la dérive bien loin sur la mer houleuse de la croyance humaine, mais il sera finalement sauvé par le Père tout-aimant qui ne veut pas "qu'aucun périsse, mais que tous parviennent à la repentance" et il se réveillera à une intelligence spirituelle.
La Science Chrétienne accueille l'égaré à son retour,—et comment le fait-elle? En guérissant la maladie et le péché, "en élevant la compréhension humaine, ensevelie dans un faux sens de l'être" (No and Yes, p. 37). Quelle bienvenue le père eût-il accordée au prodigue, s'il lui eût refusé le baume de la Vérité et de l'Amour? Il ne le lui refusa point, au contraire, il lui mit "la plus belle robe," qui symbolisait le vêtement de la justice, ou la pureté de la pensée. Ce vêtement apporte la guérison morale et physique à tous ceux qui se le laissent mettre. C'est là le vêtement que la Science Chrétienne fournit à tous ceux qui consentent à le porter. D'aucuns, comme le frère aîné, se laissent peut-être dominer par la jalousie et d'autres qualités égoïste, et se rendent ainsi indignes des largesses de Dieu, mais, tôt ou tard, même ceux-ci entendront la voix du Père parlant avec amour et disant: "Mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce que j'ai est à toi." Là où sont l'amour et la compassion, là l'idée-Christ est libre d'entrer et d'exercer son influence sur la conscience individuelle. Là où sont la propre-justice, la bigoterie, et la dûreté, là le Christ, la Vérité, trouve l'entrée barrée.
Nul ne connaît la durée qu'aura ce rêve à l'état de veille de l'existence mortelle, mais ce que nous savons, c'est que des multitudes sont déjà en train de se réveiller et que chacun qui est sauvé de la croyance que l'homme a sa vie, son mouvement, et son être dans la matière ou la corporalité, a, dans la mesure de son propre affranchissement, donné à d'autres la même occasion de s'affranchir, entendement et corps. La loi de l'Amour omniprésent est continûment active et elle abrège la période où l'existence humaine vogue à la dérive, mais le soi-disant entendement de la chair est inimitié contre le ministère de l'Amour divin et pousse des cris de désapprobation lorsque des efforts faits avec amour tentent de prouver que sa soi-disant domination sur les mortels est, soit illégitime, soit irréelle. C'est l'éducation erronée qui est responsable de cette apparente ténacité de l'existence mortelle, décidée à maintenir son terrain en opposition avec la loi de l'Amour. On ne saurait blâmer un mortel pécheur qui croit que la mortalité est créée par Dieu de ce qu'il croit que l'existence mortelle est légitime, et ce n'est que lorsque cette existence-rêve se transforme en une mer de concepts humains tempétueux que le mortel commence de douter sérieusement de la validité du sens matériel et de crier au secours. Alors il comprend la signification de ce dire du Maître qu'il n'était pas venu envoyer la paix mais une épée aux concepts de l'entendement humain qui résisteraient à la vérité.
Une théologie qui enseigne la croyance à un Dieu qui connaît le mal, et à un homme véritable qui est voué au péché et à la mort dès sa naissance, une théologie qui soutient d'une manière indiscutable la continuité et la réalité de la matière ou du mal,—aide-t-elle à réveiller les mortels du profond sommeil d'Édam? Au contraire ne perpétue-t-elle pas ce sens-rêve en ne lui venant pas en aide avec ces paroles d'autorité et d'assurance: "Réveille-toi, toi qui dors, et te relève d'entre les morts, et le Christ t'éclairera"?
Il y a certainement une lourde responsabilité à endosser, et les Chrétiens de profession feront bien de s'arrêter un moment et de se demander quel rôle est le leur en ce moment? Tend-il ou non à abréger ce rêve de vie dans la matière? Tous ceux qui ont été sauvés par la barque de la Vérité et qui ne prouvent pas leur gratitude en vivant conformément à la loi de l'Amour qui rend actuellement possibles la guérison et la victoire sur le péché, se laissent certainement aller au gré des vents dans une frêle barque qui, d'un moment à l'autre, pourra être submergée par les vagues mugissantes de l'erreur et du péché, et qui sait quelle ne devra être l'expérience qui amènera le réveil nécessaire? Ce sont là ceux qui sont morts par leurs fautes et par leurs péchés et ils n'éprouveront pas la vivification de l'Esprit qu'ils ne se soient réveillés à la vérité des paroles de notre Guide à la page 403 de Science et Santé: "Vous vous rendez maître de la situation si vous comprenez que l'existence mortelle est un état d'illusion produit par soi-même, non la vérité de l'être."