Il est probable que bien des mortels s'associent au vœu de Ben Jonson, qui s'écriait: « Oh! si seulement nous avions une machine qui pût arrêter toutes les horloges! » Mais celles-ci ne créent pas le temps. Elles se contentent d'en mesurer une division, qu'on nomme un jour. Même si toutes les pendules étaient détruites, le temps persisterait, car il les a précédées. Pendant l'âge de pierre, les hommes n'avaient pas d'horloges, mais ils avaient la notion du temps, des jours, des saisons, des années. Le temps est mental. Comme le déclare Mary Baker Eddy, dans Science et Santé avec la Clef des Ecritures (pp. 598, 599), « le temps est une pensée mortelle, dont le diviseur est l'année solaire. »
Le temps — « une pensée mortelle »! Rappelons-nous cette classification révélatrice, et mettons dans la catégorie qui lui convient l'épouvantail du temps. Revendiquons notre maîtrise sur lui et sur son diviseur, l'année. Sûrement nous n'en sommes plus réduits à subir la tyrannie d'une « pensée mortelle. »
Le temps se rattache d'une manière exclusive à l'entendement matériel ou mortel. Il n'est pas plus substantiel que ce faux entendement, et l'on s'en libère, ainsi que de toutes ses limitations, dans la mesure où, comprenant la totalité de l'Entendement infini qui est Dieu, l'on maîtrise l'entendement erroné.
Avec cette aune nommée le temps, l'entendement matériel mesure et limite toutes les choses mortelles, y compris ce qu'il déclare être votre vie et la mienne. Mais ni l'Entendement immortel ni ses idées ne connaissent le temps. Le royaume de l'être spirituel sans limites ne contient pas d'aune pour mesurer matériellement. Ce n'est point en fonction de mesures matérielles qu'on peut penser à Dieu, à l'Entendement illimité et à Sa manifestation. Le fini ne peut toiser l'infini. Qui pourrait mesurer l'Entendement au moyen du temps?
On a dit que le temps est « l'enregistrement des révolutions accomplies par des astres formés de matière. » La terre est un de ces astres, elle tourne sur elle-même. L'intervalle qu'il lui faut pour cette révolution, les mortels le nomment un jour. En outre, la terre tourne autour du soleil — autre astre formé de matière; et les mortels nomment année la durée de cette course. Le temps est un concept relatif. Si nous habitions la planète Mars — à laquelle il faut presque deux fois plus longtemps qu'à notre globe pour décrire sa route autour du soleil — les « soixante-dix ans » dont parle le Psalmiste représenteraient plus de cent trente années terrestres. Si nous nous transportions à Neptune, soixante-dix années terrestres ne correspondraient qu'aux deux cinquièmes d'un an neptunien. Quelle bizarrerie que le temps!
Mais quel rapport y a-t-il entre la révolution qu'accomplissent autour du soleil privé de pensée certaines masses de matière inintelligente, — la Terre, Mars ou Neptune, — et la continuité de votre intelligence, de votre vie, de la mienne? Aucun rapport quelconque! Le mouvement de ces immenses sphères matérielles n'a pas plus d'influence sur la continuation ou l'interruption de notre vie que n'en ont les mouvements moins ordonnés de sphères beaucoup plus petites, balles de golf ou de tennis.
Ce qui semble limiter la vie matérielle, c'est non pas le déplacement de masses plus ou moins considérables, mais la croyance opiniâtre et craintive des mortels, qui pensent que l'entendement mortel leur donne la vie, un corps, une individualité, mais qu'il est incapable de faire persister son produit, l'homme mortel. L'entendement mortel fallacieux ne crée que pour détruire; il répète cette vaine opération jusqu'à ce que la pensée individuelle reconnaisse que sa vraie source est l'Entendement éternel, Dieu. La croyance au temps se rattache à la mort et à la mortalité, mais n'en est point la cause.
Si vous et moi désirons vraiment exprimer davantage la Vie éternelle, croire que notre vie est liée à seize années mortelles n'est pas plus scientifique que s'il s'agissait de soixante ans. Pour Dieu, l'Entendement véritable, la seule Vie, il n'existe pas de mortels ayant seize ans, quarante ans, soixante ans. Le seul vrai statut que nous puissions avoir — le fils, ou l'expression, de la Vie et de l'Amour sans fin — n'a jamais eu pour point de départ une germination matérielle; loin d'être sujet au développement matériel, il ne vieillit pas et ne meurt jamais.
Comme l'intelligence et la Vie que nous exprimons, notre individualité n'a pas d'âge, échappe au temps, est sans fin. Nous devrions réfuter chaque jour le mensonge de l'âge, aussi bien que celui de la crainte ou des maladies. Notre individualité ne vieillit pas. Les années, ces divisions de la pensée mortelle, n'ont aucune importance pour la Vérité, la Vie, l'Amour et l'homme. Reconnaissons-le, et rendons-nous toujours mieux compte de notre pérennité spirituelle, due à ce que Dieu contient et maintient à jamais Son fils.
La révélatrice de la Science Chrétienne nous dit: « La Vie est éternelle. Nous devrions reconnaître ce fait, et en commencer la démonstration. La Vie et la bonté sont immortelles. Alors modelons nos vues concernant l'existence sur la beauté, la fraîcheur et la continuité, plutôt que sur la vieillesse et la décrépitude » (Science et Santé, p. 246). Remarquons les verbes décrivant le travail qui nous incombe. Il nous faut « reconnaître, » « commencer la démonstration, » puis modeler nos vues. Comme adhérents de la Science qui ressuscita Jésus d'entre les morts et lui permit de s'élever plus haut qu'un sens temporaire de vie, faisons-nous ce que l'Entendement éternel exige sous ce rapport? Ne perdons jamais de vue le fait que « la Vie et la bonté sont immortelles. » La bonté sincère, exempte d'égoïsme, est la substance de l'immortelle vie.
Avez-vous cru que vous mourriez tôt ou tard? Dans ce cas, vous ferez bien d'adopter un autre point de vue. Pourquoi? Parce que la Bible, la logique, la révélation montrent que l'homme est l'image ou le fils de Dieu. Le témoin de Dieu peut-il cesser d'être? L'Entendement et sa manifestation seraient-ils à la merci de forces destructives, inintelligentes?
Même si, d'après le sens matériel, il arrivait quelque chose à l'ensemble de cellules et de tissus matériels que vous croyez être votre corps physique, le seul « vous » véritable ne cesserait pas un instant de vivre, de voir, d'entendre, de sentir, de connaître. L'Entendement que rien n'arrête donne à son expression, l'homme, la Vie que rien n'arrête; cette Vie, les forces matérielles inintelligentes sont aussi peu capables de l'interrompre ou d'y mettre fin, qu'elles sont à même d'altérer la continuité de Dieu.
Ainsi donc, selon ces faits et ces forces spirituelles irrécusables, modelons nos vues sur « la beauté, la fraîcheur et la continuité, plutôt que sur la vieillesse et la décrépitude. » Acceptons pour nos frères ou nous-mêmes seulement l'avenir que l'Amour prévoit, que Dieu dispose. Construisons pour l'éternité, pour l'immortalité; et grâce à la croissance spirituelle, remplaçons toujours davantage l'assujettissement aux années par le sens lumineux de la vie sans bornes, fondée sur l'Ame.
Jésus brisa la crainte mesmérique du temps, de la mort. Il nous faut suivre son exemple. L'erreur prétend serrer tous les hommes dans un étau, dont la vis serait le temps; or le Maître prouva que ce mensonge est sans pouvoir. Il prouva qu'elle est nôtre par la simple méthode de la connaissance la liberté de la vie, exempte des entraves qu'imposent le temps et la mortalité. A mesure que se succèdent les années inscrites au calendrier, puissions-nous comprendre davantage cette déclaration: « C'est ici la vie éternelle, qu'ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ. »
Nous existons pour exprimer non pas une existence personnelle bornée par le temps, incertaine de son Dieu, mais la vie spirituellement individuelle, éternelle, toujours consciente de son unité et de sa coactivité avec Dieu, l'Être sans fin.
