Quelquefois, en lisant nos périodiques, nous percevons une vive lumière éclairant une page de notre passé que nous n'avions pas entièrement comprise. C'est ce qui m'arriva quand je lus dans The Christian Science Journal du mois d'août 1941 un éditorial intitulé « Le Foyer » [voir Le Héraut, juin 1942]. Mon attention fut éveillée, je méditai sérieusement cet éditorial et je me sens très redevable à son auteur.
Pour moi le foyer avait toujours été la maison où j'habitais avec ma famille, et je n'avais jamais pensé à approfondir la signification métaphysique de ce terme. Ma chère mère, qui depuis vingt ans demeurait chez moi et était l'objet de ma sollicitude, se tourmentait un peu parce que pendant les dernières années elle ne pouvait plus m'aider dans le ménage; je la consolais en lui disant que pour moi sa présence faisait de notre maison un « home, » et non pas simplement une demeure.
Ceci me paraissait vrai, mais je vois maintenant qu'au point de vue spirituel c'était faux. Par la suite, quand ma mère quitta ce monde, j'eus un pénible sentiment de désolation, comme si j'étais déracinée et séparée de ceux que j'aimais.
Quand nous étions entrés dans cette maison, notre famille se composait de cinq personnes; mais je perdis tous les miens, et j'eus alors une étrange impression de détachement, comme si je n'étais nulle part chez moi. Le jardin lui-même, dont je m'étais occupée avec beaucoup de joie, perdit pour moi tout intérêt.
Quelque temps après, en déplaçant un meuble très lourd, je me donnai un tour de reins; pendant cinq jours je souffris beaucoup et fus condamnée à l'immobilité. Je ne cessai de rechercher l'aide spirituelle, et l'un des cantiques de notre Hymnaire (N° 412) vint à ma pensée comme un ange sauveur:
Chasse, ô rêveur, tes songes de souffrance,
Réveille-toi, voici la liberté!
Chante, captif, le Christ vers toi s'avance,
Brisant les fers de tous les prisonniers.
Je priai l'amie qui était avec moi de me lire ce cantique plusieurs fois jusqu'à ce que j'en aie vraiment saisi le sens, car je savais qu'il me guérirait. C'est ce qu'elle fit avec bonté, mais chaque fois qu'elle arrivait à ce verset:
Il change en joie pénibles souffrances,
En vraie beauté les cendres du passé;
Pour chaque pleur se lève une espérance
Et toute crainte à l'amour doit céder —
je ne pouvais m'empêcher de pleurer. Je dis à mon amie de ne pas prendre garde aux larmes que je me sentais incapable de maîtriser. Elle continua donc à répéter les strophes avec patience jusqu'à ce que j'aie retrouvé le calme.
Trois mois auparavant, ma fille unique et son mari avaient été tués par une bombe, mais je n'avais pas pleuré; maintenant il semblait que mes larmes faisaient disparaître un sens de douleur accablante dont je ne m'étais pas bien rendu compte. Ce fut le début de ma guérison, au double point de vue mental et physique. Je ne tardai pas à pouvoir me lever, à retrouver mon intérêt pour le travail du ménage et du jardin. Je sentis que les promesses s'accomplissaient pour moi, que « les pénibles souffrances » se changeaient en joie, « les cendres du passé » en « vraie beauté, » et que cette dernière ligne du cantique se réalisait: « Debout, captif, ton Sauveur vient à toi! »
Depuis lors, j'avais souvent pensé à cette guérison avec gratitude et respect, mais sans bien comprendre de quelle erreur mentale j'avais été délivrée; quand je lus l'éditorial mentionné ci-dessus, je vis qu'inconsciemment je m'étais condamnée à l'affliction parce que j'avais entretenu un faux sens du foyer, comme si la joie et la paix dépendaient des personnes; j'aurais dû voir qu'en réalité, comme l'indique cet éditorial, le foyer est « la conscience permanente de l'harmonie — du ciel — au-dedans de nous. »
En donnant ces détails, j'espère qu'ils aideront d'autres personnes parmi celles qui à notre époque ont vu disparaître leur concept humain du foyer; je souhaite que pour elles aussi « les pénibles souffrances » se changent en joie et que l'espérance vienne compenser « chaque pleur. »
Oxford (Oxfordshire), Angleterre.
