Le cœur humain a toujours soif de réconfort. A moins d'être enracinées et fondées dans la Vérité, — base que n'ébranlent point les assauts du mal, — les pensées des hommes ne sont pas en communion avec l'Entendement divin et dès lors ne sauraient être heureuses.
En s'éveillant un matin d'été, un jeune garçon qui étudiait depuis peu la Science Chrétienne se sentit très abattu, sans savoir pourquoi. Afin de chasser ce malaise, il eut recours à la Bible. Tournant les pages comme au hasard, il vit ces paroles: « Ne craignez donc point; vous avez plus de valeur qu'un grand nombre de passereaux. » Il continua de feuilleter la Bible, et tomba de nouveau sur un passage du même genre: « Ne vend-on pas cinq passereaux pour deux sous? Cependant, Dieu n'en oublie pas un seul. » Pourquoi le Maître a-t-il choisi, pour inculquer sa leçon, ce petit oiseau si commun? se demanda le jeune garçon. Ne voulait-il pas montrer que la sollicitude et l'infinie bonté du Père s'étendent même à ce que le monde trouve médiocre, infime?
Soudain le jeune Scientiste se rappela que la veille au soir, en écoutant une radiodiffusion où s'exprimaient des vues déprimantes concernant la guerre et le monde, il n'avait pas eu soin de corriger ce pessimisme au moyen de la vérité. Inconsciemment entraîné par l'orateur, il avait parfois acquiescé aux opinions émises; il avait admis qu'une foule de personnes, dont lui-même faisait partie, étaient de pauvres victimes, qui souffraient parce que le monde avait entrepris une tâche absurde et colossale, où la tyrannie jouait un grand rôle. Reconnaissant le caractère de cette erreur, de cette suggestion insidieuse, il s'interrogea lui-même avec fermeté. La Bible lui donnait l'assurance qu'il était de « plus de valeur qu'un grand nombre de passereaux; » dans ce cas, quelle importance pouvait avoir une radiodiffusion lugubre?
Au sujet des passereaux, Jésus a déclaré: « Il n'en tombe pas un seul à terre à l'insu de votre Père. » Eh bien, se dit le jeune garçon, le même Père plein d'amour dirigera mes affaires, petites ou grandes, et je puis compter sur Lui. Je suis la réflexion de l'Entendement divin, et je le sais actuellement. Il médita ces choses, et continua d'y penser tout en allant faire une course dont il s'était chargé.
Dans la rue, il vit un ancien soldat, un mutilé de la première Guerre mondiale. Cet homme marchait avec peine, et son visage aux traits tendus exprimait un amer ressentiment. Le jeune Scientiste l'avait souvent observé, poursuivant son chemin d'un air sombre, sans regarder ni à droite ni à gauche, comme s'il accusait de son malheur le monde entier. Pensant encore à ce qu'il avait lu, le jeune garçon dit à mi-voix, au moment où il croisait l'ancien soldat: « Vous avez plus de valeur qu'un grand nombre de passereaux. » Chose étonnante, cet homme tourna la tête vers son interlocuteur et répondit tout de suite: « Oui, c'est bien çà. J'étais en train de l'oublier. Merci de m'en avoir fait souvenir. Je n'ai plus qu'une jambe, mais je peux encore penser droit. »
Le jeune Scientiste avait répété ce verset plutôt pour soi-même, sans la moindre intention de rappeler au vétéran qu'un homme a de la valeur pour la société et pour lui. Mais il était clair que l'ancien soldat avait bénéficié de ce rappel.
Comme le jeune garçon se sentit heureux! Il avait entrevu la maîtrise que lui donnait le penser juste. Il avait prouvé dans une certaine mesure ce grand fait: la pensée scientifique exprime plus de pouvoir et d'activité réels que toutes les forces mauvaises qui prétendent agir dans le monde.
Donc il était en sécurité, il n'avait pas lieu d'être abattu. Il se rendit compte que les vrais penseurs peuvent refouler les forces mesmériques, qu'aucune forme du mal ne saurait tenir tête à l'infinie sollicitude qui ne néglige aucun détail, qui prend soin des oiseaux eux-mêmes. Accueillant ces pensées, le jeune garçon, en rentrant chez lui, rattrapa le soldat et se mit à siffler pour attirer son attention. Cet homme, qui marchait avec plus de courage, se retourna en souriant pour saluer le jeune Scientiste.
Ne perdez pas une minute — pas une seconde — à vouloir expliquer aux autres les mérites de vos actes. Si votre œuvre ne se justifie point elle-même, vous ne la justifierez pas. —
