Il est beaucoup question aujourd’hui de l’« économie mondiale » et du concept de la mondialisation. Les points de vue exprimés sont plus ou moins positifs à ce sujet et on se demande où va nous conduire la mondialisation. Dans cette rubrique spéciale du Héraut, nous parlons de ce phénomène.
Nous commençons avec une introduction par David Francis, du Christian Science Monitor. Puis une quarantaine de personnes provenant de divers pays, avec lesquelles la rédaction du Héraut s’est entretenue, donnent leurs impressions. Et nous concluons avec une table ronde au cours de laquelle les rédacteurs chargés de la publication des différents Hérauts envisagent la mondialisation d’un point de vue essentiellement spirituel.
Qu’est-ce au juste que ce courant appelé « mondialisation » ?
C’est l’internationalisation rapide de l’économie mondiale. Les nations deviennent de plus en plus dépendantes les unes des autres sur le plan économique. De même que les voyages dans l’espace ont fait prendre plus clairement conscience de l’unité de l’environnement terrestre de l’homme ainsi l’évolution du commerce international est en train de lier étroitement les peuples entre eux.
Cependant, en ce moment, le monde traverse une crise grave liée à la mondialisation.
Elle a commencé il y a plus d’un an, lorsqu’une crise financière a frappé les pays d’Asie comme l’Indonésie, la Thaïlande et la Corée du Sud qui ont commencé à s’effondrer sur le plan économique. Puis, l’été dernier, la Russie a été obligée de dévaluer sa monnaie, le rouble, et d’imposer un moratoire sur certaines de ses dettes. Au moment où j’écris, le Brésil souhaite que la valeur de sa monnaie soit rehaussée sur les marchés des changes internationaux au moyen d’un énorme prêt du Fonds monétaire international.
On craint que cette crise de la mondialisation ne s’étende à l’Europe occidentale, aux États-Unis et au Canada en entraînant derrière elle une récession.
En général, le commerce international se développe plus rapidement que le rythme de production de chaque pays. Aux États-Unis, par exemple, en 1958, les exportations représentaient 4% de la production totale du pays en biens et en services. Aujourd’hui, quatre décennies plus tard, les exportations représentent 12% de la production. Avec la crise actuelle, les exportations américaines ont commencé à baisser, tandis que les importations augmentent rapidement. Il en résulte que les États-Unis enregistrent le déficit extérieur le plus important de leur histoire — probablement autour de 250 milliards de dollars en 1998.
La poussée des investissements internationaux est un autre facteur lié à la mondialisation. Il existe plus de 50 000 firmes « transnationales » aujourd’hui, avec environ 450 000 filiales étrangères. Ces compagnies multinationales ne se contentent pas d’exporter leurs produits et leurs services. Elles font des affaires dans les pays étrangers par l’intermédiaire de leurs filiales. Ce sont les Michelin, les Phillips et les Microsoft installées dans le monde entier, et des milliers d’autres un peu moins connues. Elles représentent déjà environ 7% de tous les biens et services produits dans chaque nation. Malgré la crise financière asiatique, en 1997 elles ont procédé à 400 milliards de dollars d’investissement direct en usines, équipements et bureaux dans des pays autres que celui où elles ont leur siège, et ce chiffre aura problablement augmenté en 1998, d’après le rapport sur l’investissement international de la Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement.
Soutenant cet énorme volume de transactions et d’investissements internationaux, la moyenne quotidienne des échanges internationaux est passée de 15 milliards de dollars en 1973 à 1,2 trillion de dollars aujourd’hui.
La mondialisation comporte des avantages et des inconvénients.
En ce qui concerne le côté positif, la prospérité s’étend à ce qu’on appelait les pays « en développement ». Aujourd’hui, on utilise souvent le terme « nations émergentes », car les anciens pays communistes entrent aussi dans cette catégorie. Le commerce est florissant parce qu’il est, en général, logique sur le plan économique. Les Européens et les Américains achètent des magnétoscopes sud-coréens, parce qu’ils sont de bonne qualité et relativement peu chers. Les compagnies transnationales apportent aux nations moins développées la technologie moderne, les méthodes de gestion et de promotion.
Il en résulte que la production par habitant des pays en voie de développement a triplé depuis 1960. Le niveau de vie et l’espérance de vie augmentent vite dans ces pays. Les nations aux revenus moyens s’industrialisent rapidement.
Mais la mondialisation a aussi un côté négatif.
Tout d’abord, elle crée une plus grande versatilité financière, comme on le voit dans la crise actuelle. Les investisseurs qui placent d’énormes sommes d’argent dans les nations émergentes sont capables, s’ils sont inquiets, de tout retirer aussi rapidement. Ces changements brusques peuvent provoquer des dévaluations de devises, ébranler les institutions financières et créer une récession avec baisse des profits et hausse du chômage.
Les crises peuvent s’étendre. Les économistes parlent de « contagion ». Les habitants des pays d’Asie et d’ailleurs, à l’économie affaiblie, achètent moins de produits venant d’Europe, des États-Unis et d’autres nations industrialisées.
Un autre élément entre enjeu: la peur. Si les institutions financières européennes et américaines craignent de prêter autant qu’avant, et si les entreprises et les consommateurs des nations industrialisées ont peur d’emprunter ou s’ils dépensent moins, l’économie pourrait ralentir encore davantage.
On reproche aussi à la mondialisation d’avoir diminué la sécurité de l’emploi dans les pays industrialisés, en particulier pour les ouvriers peu qualifiés. Les compagnies achètent plus à l’étranger ou bien produisent davantage dans les pays étrangers où la main-d’œuvre est bon marché, retirant du travail aux ouvriers des pays industrialisés. Dans ces pays, la concurrence étrangère peut également faire baisser les salaires, surtout dans le cas de produits qui peuvent être aisément fabriqués dans des pays où les salaires sont bas. En revanche, la mondialisation peut augmenter les possibilités d’emploi pour les personnes ayant des compétences et un niveau d’instruction élevé.
Certains accusent aussi la mondialisation de marginaliser les nations aux revenus extrêmement bas. Ces pays font peu de progrès dans leur lutte contre la pauvreté.
Les ministres des finances, les membres de la Banque centrale et d’autres leaders s’efforcent de remédier aux difficultés liées à la mondialisation, notamment la versatilité qu’elle a créée dans les systèmes financiers mondiaux. On explore et on met en applications diverses solutions. Néanmoins, les remèdes ne sont pas faciles à trouver, car ils dépendent souvent des réformes dans les nations en développement ainsi que d’une plus grande souplesse et d’une plus grande générosité de la part des pays plus riches. Lorsqu’on adopte un point de vue plus élevé, on s’aperçoit que parfois, les intérêts immédiats d’une nation sont en conflit avec ses intérêts réels à long terme.
En général, cependant, il est reconnu que notre propre bienêtre dépend de plus en plus du bien-être des habitants d’autres nations, souvent très éloignées de nous. La prospérité doit être partagée.
En élevant ce concept beaucoup plus haut, Mary Baker Eddy écrit dans Science et Santé avec la Clef des Écritures: « Dans la relation scientifique de Dieu à l’homme, nous trouvons que tout ce qui bénit l’un bénit tous, ainsi que Jésus le montra avec les pains et les poissons — l’Esprit, non la matière, étant la source de toute subsistance. » (p. 206)
Udaipur, Inde