Des bribes de conversation me parvenaient dans le brouhaha d'un refuge où s'entassaient des skieurs enthousiastes qui engloutissaient leur déjeuner avant d'aller passer l'après-midi sur les pistes. Leur langage était souvent choquant, surtout chez les plus jeunes. Je fus consternée d'entendre l'exclamation d'un petit blouson rose de huit ans, reprise sur le même ton par sa partenaire de six ans: « Bon Dieu, vise un peu le hamburger !»
Certes, en tant que simple exclamation, c'est tous les jours qu'on entend prononcer le nom de « Dieu », et pas seulement sur les pistes de ski, mais aussi dans les supermarchés, à l'école, dans les bureaux et dans les films. Cela fait partie de la langue courante d'aujourd'hui. « Pourquoi donc cela me gêne-il tellement ? » me demandai-je. « Tout le monde le fait ! En pourtant, le nom de Dieu est sacré, c'est le plus précieux qui soit. On ne devrait certainement pas l'employer à la légère. » En approfondissant la question, j'en arrivai à m'interroger: « Pour quelle raison est-ce que je traite le nom de Dieu avec un tel respect ? »
Dans mon enfance, je n'employais jamais de jurons; mes parents ne l'auraient pas permis et ils me donnaient eux-mêmes l'exemple. Le langage impie était proscrit, un point c'est tout. L'École du Dimanche de la Science Chrétienne renforça encore cette attitude en m'enseignant les Dix Commandements de la Bible. Dans Exode 20, verset 7, on lit: « Tu ne prendras point le nom de l'Éternel, ton Dieu, en vain; car l'Éternel ne laissera point impuni celui qui prendra son nom en vain. »
A l'époque, j'obéissais sans réserve à cette norme, mais cela ne signifiait pas vraiment que j'en comprenais la valeur. Cependant, une histoire qui m'arriva dans mon adolescence contribua à me faire entrevoir le sens profond de l'obéissance et de la vénération. Pour avoir employé le nom de Dieu dans un esprit de prière, il me fut épargné de douloureux ennuis.
Comme nous vivions en Nouvelle-Angleterre, nous pouvions bénéficier, ma sœur et moi, de nombreuses leçons de ski. Un jour, alors que les pentes étaient si gelées que l'accès des pistes élevées était interdit au public, nous prîmes néanmoins une leçon particulière. Pour je ne sais quelle raison, notre moniteur se montra bourru et agressif. Il affirma qu'il était grand temps que nous apprenions à maîtriser toutes sortes de situations et il nous mena vers une piste difficile. C'était, comme je le découvris en tremblant, de la glace dure. Lui avait des skis lourds aux carres bien affutées. Ma sœur et moi étions équipées de modèles beaucoup plus légers aux carres assez émoussées et nous savions toutes les deux que nos skis n'étaient pas très bons sur sol gelé.
En position très accroupie, fendant fermement les pentes, notre moniteur descendit à mi-côte et exigea que nous le suivions. De la surface glacée, je plongeai les regards jusqu'au bas de cette piste abrupte. Comme il s'impatientait, je commençai à descendre, mais, de terreur, je me raidis et tombai. Sur la glace vive et avec la raideur de la pente, il n'y avait rien pour ralentir ma chute et m'empêcher de débouler jusqu'en bas. A cet instant, je m'écriai: « Mon Dieu ! » et c'était une prière profonde et sincère, un appel vers cette aide que je savais toujours accessible. Ce nom de « Dieu », riche de sens pour moi, représentait l'Amour divin qui m'avait guérie en temps de maladie, qui avait résolu mes problèmes relationnels et m'avait aidée lors de mes examens. Ce « Dieu » signifiait la bonté, le soutien fidèle, une présence chérie, la beauté, la Vérité, l'Esprit. Ce « Dieu », c'était la toute-puissance, le Tout-en-tout pour moi.
Comme j'affirmais à plusieurs reprises « mon Dieu, mon Dieu », presque immédiatement, mes skis, mes bâtons, mes bras et mes jambes qui partaient dans tous les sens s'alignèrent. En même temps, mon corps se tourna vers le côté et je glissai sur un talus avant de m'échouer dans des branches de pin. Voyant tout cela, ma sœur ôta ses skis et descendit prudemment à pied en suivant la bordure d'arbres. Nous parvînmes ensemble à atteindre le bas de la montagne où je pus vérifier que je n'étais pas blessée, à peine une petite déchirure à l'anorak !
Cet incident nous servit de leçon: nous aurions dû faire preuve de sagesse et ne pas nous incliner devant la volonté d'autrui. Mais surtout, je vis clairement ce que le nom de « Dieu » signifiait pour moi. Je compris pourquoi, jusqu'alors, je m'étais abstenue d'employer Son nom sans discernement et pourquoi je n'avais jamais permis qu'il soit terni.
Que s'était-il passé au juste sur la piste de ski ? Lorsque je m'étais écriée « mon Dieu ! », ce n'était pas une expression humaine et habituelle de surprise, d'irritation, de crainte ou de désespoir. Et même, je ne suppliais pas un Dieu « tout là-haut » de venir ici à mon secours. Mon appel était en réalité l'affirmation d'une loi déjà établie: Dieu est toujours accessible et le bien divin est toujours actif. Ma parole et ma pensée ne faisaient qu'un. J'employais un mot qui avait un sens. Son utilisation coïncidait avec une conscience claire du bien, et le bien avait prévalu dans la situation du moment.
Ma conscience avait cédé devant l'être de Dieu omniprésent, omnipotent et intelligible. En conséquence, la crainte disparut, faisant place à la décrispation et au réalignement; la sécurité se manifesta. Convaincue du pouvoir de la prière (si courte celle-ci soit-elle), ma pensée, sincère dans son intention, remplaça la peur du désastre par la compréhension spirituelle de l'empire absolu et de la tendre présence de Dieu. Le résultat en était inévitable: la conscience de l'harmonie. C'est ce que décrit Science et Santé, le livre d'étude de la Science Chrétienne écrit par Mary Baker ddy: « Être “présent avec le Seigneur”, c'est obéir à la loi de Dieu, être absolument gouverné par l'Amour divin, par l'Esprit, non par la matière. » Science et Santé, p. 14.
Depuis cet incident, je n'ai jamais été vraiment tentée d'utiliser le nom de Dieu en vain. Je comprends maintenant à quel point l'obéissance à un commandement peut représenter une bénédiction. J'ai besoin que tout ce qui peut avoir trait à Dieu, y compris Son nom, signifie vraiment quelque chose pour moi. Parce que je vénère cette signification, je chéris aussi le rapport qui m'unit à Dieu, lien précieux d'appartenance; je refuse d'en faire à la légère un emploi erroné. La Bible dit: « Notre âme soupire après ton nom et après ton souvenir... Mais c'est grâce à toi seul que nous invoquons ton nom. » Ésaïe 26:8, 13.
Parfois, il nous faut bien faire confiance à la sagesse des enseignements inspirés de la Bible avant d'en comprendre à fond les raisons. Et il importe vraiment — que le reste du monde le fasse ou non — de continuer à mettre en pratique les préceptes des Dix Commandements. Ils mènent si souvent à la guérison et à la protection !
