Voici la suite de l'entretien dont la première partie a paru dans le Héraut d'avril.
Comment pouvez-nous apprendre par cœur autant de partitions différentes?
Oh, je n'essaie jamais d'apprendre par cœur. Lorsque quelque chose vous devient vraiment familier, vous le savez, c'est tout. Pour moi, la mémoire est une connaissance spontanée. Vous n'essayez pas de vous rappeler votre nom, vous le savez tout simplement. Quand vous savez une chose, vous la possédez pour toujours. Ceci ne veut pas dire que je ne me familiarise pas autant que possible avec une partition et que je ne l'étudie pas vraiment. C'est ce que je fais. Mais je n'essaie pas de l'apprendre consciemment par cœur. Quand vous savez quelque chose suffisamment bien, vous le savez, c'est tout. Je ne crois pas que Christ Jésus ait été obligé de se rappeler qui il était ni ce qu'est Dieu. Il le savait et vivait ce qu'il savait.
Dites-nous comment vous pouvez utiliser la Science Chrétienne pour mettre au point votre interprétation d'une œuvre musicale.
Il est très important d'essayer de comprendre ce qui a incité le compositeur à écrire le morceau en question comme il l'a fait. Que ressentait-il ? Qu'est-ce qui l'a poussé à écrire cette œuvre et de cette façon-là ? Voilà où la Science Chrétienne est d'un grand secours, parce que dans la mesure où nous comprenons mieux le fait qu'il n'y a en réalité qu'un seul Dieu, un Entendement infini, qui s'exprime infiniment, nous comprenons que ce même Entendement qui a inspiré le compositeur est cet Entendement qui est ici même avec nous, aujourd'hui.
Et en nous identifiant en tant que reflet ou expression de cet Entendement, je crois qu'il est possible d'en arriver au point où il semble presque que nous avons nous-mêmes écrit ce morceau de musique. Je veux dire par là que l'on se sent si près du compositeur que l'on peut se dire: « Mais oui, c'est bien dans cet esprit que ce morceau doit être joué. » Bien entendu, chaque exécutant a peut-être une manière unique qui lui est propre de dire la même chose, mais vous éprouvez un sentiment véritable d'autorité lorsque vous savez que vous reflétez le même Entendement infini qui était avec le compositeur. Cela ne vient pas d'un seul coup. C'est quelque chose qui vient peu à peu au fil des ans, mais qui vient assurément lorsque vous vous identifiez de plus en plus avec Dieu, l'Ame, la source des qualités spirituelles qu'exprime la musique.
Mrs. Eddy déclare: « La musique est le rythme de la tête et du cœur. » Science et Santé, p. 213; J'aime cette définition parce que, pour moi en tout cas, elle indique qu'en musique, tout comme dans n'importe quelle autre forme d'expression artistique, il doit y avoir fusion des éléments émotionnels et intellectuels. Si l'exécution vient exclusivement de la tête, si elle est entièrement intellectuelle, elle ne répondra pas aux besoins plus profonds des auditeurs. Et si elle s'appuie totalement sur une émotion débridée, elle ne sera pas ce qu'elle devrait être. « L'Entendement, dit Mrs. Eddy, est la source de tout mouvement, et il n'y a pas d'inertie qui en retarde ou arrête l'action perpétuelle et harmonieuse. »ibid., p. 283; L'interprétation idéale, selon moi, comporte ces qualités qui viennent tout particulièrement de l'Entendement — l'intelligence, l'ordre, le dessein, la forme — ainsi que la spontanéité, la profondeur de sentiment et la joie qui sont des qualités de l'Ame.
En réalité, la musique n'est pas simplement faite de sons que nous entendons. Les sons eux-mêmes sont plutôt comme l'ombre de la musique. Au-delà des sons, la musique peut exprimer toute la gamme des émotions et des sentiments humains, pour ainsi dire toutes les expériences qui, dans notre vie, ont compté. Voilà ce qu'est réellement la musique. Il faut que nous nous en souvenions pour ne pas être trop préoccupés de l'ombre, trop préoccupés des sons eux-mêmes. « La Science divine, déclare Mrs. Eddy, révèle que le son se transmet par les sens de l'Ame — par la compréhension spirituelle. » ibid., p. 213; Les sons eux-mêmes ne signifient rien à moins que les auditeurs n'y fassent écho et l'écho vient lorsque les auditeurs ressentent ce que vous ressentez.
Dans le monde d'aujourd'hui un grand nombre de gens affrontent des problèmes; ils se sentent seuls, rejetés, et ils ont besoin de mieux comprendre ce que signifie réellement l'amour et ce qu'ils sont en réalité. Chacun veut être soi-même, chacun veut savoir qui il est réellement. Tous nos problèmes sont résolus lorsque nous nous connaissons nous-mêmes tels que Dieu nous connaît, parce que Dieu nous connaît tels que nous sommes réellement. Quand nous jouons de la musique, nous aidons ceux qui nous écoutent, aussi bien que nous-mêmes, à voir qui ils sont. Lorsque les auditeurs sont sensibles à la joie, à la tendresse, à la force, à la spontanéité de la musique, ils sont sensibles aux qualités inhérentes à leur être même, parce que ces qualités constituent l'homme à l'image de Dieu.
Quand j'étais élève à l'École du Dimanche de la Science Chrétienne, j'ai appris que l'on pouvait trouver la solution de tous les problèmes en étudiant la Leçon-Sermon, dans le Livret Trimestriel de la Science Chrétienne; qu'il s'agisse d'interprétation musicale ou de problèmes physiques, financiers, politiques ou même internationaux. Je me rappelle un engagement que j'avais pour jouer un concerto que je connaissais très bien. Toutefois, la répétition m'avait laissé une certaine inquiétude. En étudiant la leçon de cette semaine-là, je rencontrai cette phrase de la Préface de Science et Santé, où Mrs. Eddy parle d'elle-même en tant qu'auteur de l'ouvrage et déclare: « Elle n'a fait aucun effort pour embellir, élaborer ou traiter dans tous ses détails un sujet aussi infini. » Science et Santé, p. x; Je me dis: « Eh bien, moi non plus, je n'ai pas besoin de faire cela. Je n'ai pas besoin de m'efforcer de faire quoi que ce soit à cette musique. Il me suffit de la laisser parler pour elle-même. » Après quoi, le concert fut des plus satisfaisants.
Comment faites-vous face aux problèmes de la célébrité, de l'adulation personnelle ?
Il n'y a rien de mal à ce que les auditeurs prennent plaisir à la musique et il n'y a rien de mal à ce que l'auditoire exprime son appréciation. Mais il faut véritablement savoir à qui revient la gloire. La Prière du Seigneur nous dit: « C'est à toi [Dieu] qu'appartiennent, dans tous les siècles, le règne, la puissance et la gloire. » Matth. 6:13; Le gros écueil, le danger pour ceux qui continuellement paraissent en public et sont, jour après jour, couverts de louanges, c'est la tentation de donner une interprétation personnelle à ces louanges au lieu de savoir à qui revient réellement le mérite. La richesse et la gloire ne satisfont pas. La seule satisfaction permanente dans la vie, c'est d'être conscients que nous sommes dignes du bien que Dieu nous dispense. Mrs. Eddy déclare: « Le mérite dont on est conscient rassasie le cœur affamé et rien autre ne peut le faire. » Message to The Mother Church for 1902, p. 17; Étre célèbre, c'est être connu. Et qui donc nous connaît mieux que Dieu, notre vrai Père-Mère ?
La plupart des exécutants et des auditeurs croient que le talent exceptionnel est un don particulier que possèdent certains êtres humains. Il est important pour ceux qui paraissent en public de savoir que chacun de nous est aimé de son créateur. Pour Dieu, il ne s'agit pas simplement d'une personne qui a plus de talent qu'une autre. Humainement, on pourrait croire qu'un homme a tout spécialement développé un talent particulier, mais en fait nous avons tous des talents. Et pour Dieu, si nous jaugeons tous ces talents sur un plan spirituel, les talents de chacun sont égaux. Lorsque vous savez que vous vaquez aux affaires de votre Père, vous n'avez pas à vous préoccuper des opinions humaines. Les opinions humaines changent d'un jour à l'autre. L'homme que Dieu a créé jouit continuellement de Son approbation. Jésus a parlé en ces termes des honneurs qu'il ne faut pas rechercher auprès des hommes: « Comment pouvez-vous croire, vous qui tirez votre gloire les uns des autres, et qui ne cherchez point la gloire qui vient de Dieu seul ? » Jean 5:44.
Les exercices exigent beaucoup de temps et de discipline. Comment, selon vous, pourrait-on les rendre moins ennuyeux?
J'ai toujours aimé m'exercer. Et quand on aime faire quelque chose, il n'est pas difficile de s'y astreindre, parce que, en fin de compte, se discipliner, c'est se consacrer. Il faut aimer s'exercer, parce que la façon dont vous vous exercez détermine la façon dont vous jouez. Il est impossible de détester s'exercer et d'aimer jouer en public. Je crois qu'il est possible d'aimer s'exercer, d'aimer résoudre les problèmes techniques, parce que leur solution vous permet d'exprimer dans une plus large mesure la liberté, la force, l'indépendance et la spontanéité. S'astreindre à des exercices techniques n'est pas une fin en soi; vous vous y conformez parce que c'est nécessaire pour se sentir libre, pour exprimer l'inspiration et la joie, les sentiments les plus profonds de l'Ame. Lorsque vous jouez, les auditeurs pensent qu'ils entendent seulement le résultat de toutes les heures que vous avez passées au piano. Mais il y a bien plus que cela. Ils perçoivent aussi le sens plus profond du droit divin que l'homme possède d'être libre.