Le baptême de Jésus et la proclamation de sa filiation divine (voir Marc 1:9–11) servirent de prélude à la tentation ou mise à l'épreuve qu'il subit dans le désert. Jésus était, pour ainsi dire, sorti définitivement d'une longue période d'isolement, de préparation, à Nazareth, et maintenant sa compréhension de la nature de sa mission allait être mise à l'épreuve. La description de cet incident est, de tout l'Évangile, un des récits les plus vivants. Les disciples ne peuvent en avoir tenu les détails que de Jésus lui-même, comme ce fut le cas dans d'autres circonstances où le Maître était le seul témoin d'événements relatés par les auteurs des Évangiles.
A ce moment qui marque le début de la carrière de Jésus, notre attention est attirée sur le fait très important que, bien qu'il soit indubitablement le Fils de Dieu, Jésus doit démontrer sa filiation dans son existence humaine. « Il était le Fils de Dieu; néanmoins, il a appris l'obéissance par tout ce qu'il a souffert » (Hébr. 5:8, version synodale). « Il a été tenté comme nous en toutes choses, sans commettre de péché » (4:15). Durant cet épisode Jésus donna un exemple transcendant du pouvoir que Dieu dispense à chacun en vue de surmonter toutes suggestions erronées. Il lutta énergiquement contre les forces du mal et il en triompha glorieusement.
Pendant des siècles les Hébreux avaient pressenti que l'esprit de Dieu reposerait sur le Messie. Le prophète Ésaïe l'avait annoncé (voir 11:2). Puis Jean-Baptiste, le prophète du Nouveau Testament, avait vu la prophétie s'accomplir quand l'Esprit était descendu sur Christ Jésus. Voici les paroles du Baptiste, telles qu'elles sont rapportées dans le quatrième Évangile (Jean 1:32): « J'ai vu l'Esprit descendre du ciel comme une colombe et s'arrêter sur lui. »
Les trois Évangiles synoptiques relatent qu'ensuite Jésus fut immédiatement entraîné par l'Esprit dans le désert. Marc nous dit de sa manière directe si caractéristique (1:12, 13): « Aussitôt, l'Esprit poussa Jésus dans le désert, où il passa quarante jours, tenté par Satan. » Luc voit la situation un peu différemment et relate que « Jésus, rempli du Saint-Esprit, revint du Jourdain, et il fut conduit par l'Esprit dans le désert » (4:1).
On ne connaît pas l'endroit où Jésus fut soumis à la tentation. Les uns supposent qu'il s'agit de la région dénommée le désert de Judée, dont les collines rudes et dénudées s'élèvent entre Jérusalem et la mer Morte; les autres pensent que le territoire en question se trouvait plus à l'est du Jourdain, donc dans une région encore plus éloignée de la vie agitée de Palestine occidentale. Toutefois, l'endroit exact de la tentation est de peu d'importance en comparaison du fait qu'à la suite de la majestueuse révélation de sa filiation divine, Jésus, au seuil de sa carrière, s'isola pendant quelque temps, comme Paul, cet apôtre remarquable, le fera quelques années plus tard. « Je ne consultai ni la chair ni le sang..., écrit Paul aux Galates, mais je partis pour l'Arabie » (1:16, 17).
Même le laps de temps que Jésus passa dans le désert, comme le rapportent les Évangiles, est digne d'intérêt; en effet, tout comme Moïse, le grand législateur hébreux, s'était retiré sur le mont Horeb pendant quarante jours et quarante nuits (voir Exode 24:18), de même le Fondateur du Nouveau Testament et de son Évangile jeûna quarante jours et quarante nuits dans une région sauvage et désertique (voir Matth. 4:2; Marc 1:13; Luc 4:2). Élie, cheminant vers « la montagne de Dieu, à Horeb » (I Rois 19:8), fit le même séjour traditionnel. Ces trois personnages bibliques très importants traversèrent donc dans la solitude une crise majeure qui influença leur carrière. Ils en sortirent tous les trois triomphants et assumèrent un rôle capital dans la conduite spirituelle de leur peuple.
« Il était avec les bêtes sauvages » (1:13). Voilà une description vivante et réaliste que Marc est seul à faire de Jésus. Il se peut qu'elle indique que Jésus était absolument seul. C'est une période pénible durant laquelle des anges secourables le protègent contre les agissements du tentateur. Le lecteur se souviendra de cette pensée exprimée dans le livre de Daniel (6:22): « Mon Dieu a envoyé son ange et fermé la gueule des lions, qui ne m'ont fait aucun mal. »
Lors du baptême de Jésus une voix se fit entendre des cieux: « Celui-ci est mon Fils bien-aimé » (Matth. 3:17). Matthieu et Luc, présumant tous deux que le Maître a été tenté par Satan pour la première fois, ajoutent le mot « si »: « Si tu es Fils de Dieu... » (4:3; voir également verset 6). Le tentateur aurait insinué dans la conscience du Maître une certaine incertitude concernant l'oracle divin.
Luc relate: « Il ne mangea rien durant ces jours-là, et, après qu'ils furent écoulés, il eut faim » (4:2). Jésus fut alors tenté d'utiliser l'autorité qui lui avait été récemment reconnue et « [d'ordonner] que ces pierres deviennent des pains » (Matth. 4:3).
Mais le Maître ne céda pas. Il est intéressant de constater que, chaque fois qu'il était tenté, c'est dans l'Ancien Testament, qui était sa Bible, que Jésus cherchait les réponses à faire aux suggestions de Satan.
Sa réponse à la première tentation du diable est tirée du livre du Deutéronome: « L'homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » (Matth. 4:4; comparez avec Deut. 8:3). Plus tard, le Maître exprima une pensée semblable quand, à propos de sa nourriture, il répondit à ses disciples: « Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m'a envoyé, et d'accomplir son œuvre » (Jean 4:34). Au cours de sa carrière, il eut également l'occasion de repousser les requêtes tentatrices réclamant quelque « signe » qui devait prouver son autorité messianique et son pouvoir divin (Marc 8:11, 12, par exemple).
Dans la deuxième tentation relatée par Matthieu (voir 4:5, 6), Satan emmène Jésus sur le faîte du temple où il lui suggère de se jeter en bas, en des termes eux-mêmes ressortissant au langage biblique (voir Ps. 91:11, 12). Jésus ne se laissa pas intimider et il répondit de nouveau en citant le Deutéronome (Matth. 4:7; comparez avec Deut. 6:16): « Tu ne tenteras point le Seigneur, ton Dieu. »
La dernière tentation rapportée par Matthieu (Luc la cite en second) fut une très grande épreuve. Jésus se voyait offert une gloire immédiate s'il accomplissait sa mission à l'aide du pouvoir d'ici-bas. Une fois de plus, sa réponse, rejetant tout compromis, se retrouve dans le Deutéronome: « Tu adoreras le Seigneur, ton Dieu, et tu le serviras lui seul » (Matth. 4:10; comparez avec Deut. 6:13; 10:20).
« Alors le diable le laissa. Et voici, des anges vinrent auprès de Jésus, et le servaient », relate Matthieu (4:11).
