Ainsi qu'il a été suggéré par cette série d'articles, ce livre remarquable, décrit dans la familière version anglaise du roi Jacques comme « Le Livre du Prophète Ésaïe », est considéré par des érudits compétents comme couvrant une vaste période de l'histoire d'Israël, si fertile en incidents.
Il fait peu de doute que la majeure partie des trente-neuf premiers chapitres sont de la plume d'Ésaïe, fils d'Amots (Ésaïe 1:1), qui vécut au huitième siècle av. J.-C. et qui eut à s'occuper des attaques persistantes de l'empire assyrien contre son pays. En fait, les Assyriens sont mentionnés quelque quarante fois dans ces trente-neuf premiers chapitres.
Au verset 6 du chapitre 39, on trouve un sévère avertissement adressé au roi Ézéchias le prévenant que des dangers et des difficultés arrivent d'un autre côté: « Voici, les temps viendront où l'on emportera à Babylone tout ce qui est dans ta maison et ce que tes pères ont amassé jusqu'à ce jour; il n'en restera rien, dit l'Éternel. »
Qu'y avait-il à faire pour neutraliser les attaques répétées de l'Assyrie et qui n'avaient laissé par le passé aucun répit au peuple hébreux ? Et comment l'épouvantable puissance de Babylone pouvait-elle être repoussée ou même, si possible, abattue ?
Il est évident que la partie suivante du livre d'Ésaïe se rapporte à la période annoncée au chapitre 39. Les chapitres 40 à 55 sont attribués à un écrivain et prédicateur inconnu, mais profondément spirituel, que les érudits désignent tour à tour par le nom de Second Ésaïe, ou (d'après le grec) Deutéro-Ésaïe. On s'accorde généralement à penser que ce prophète incomparable vécut durant l'Exil à Babylone, au sixième siècle av. J.-C., peut-être deux cents ans après que l'œuvre du premier Ésaïe a été accomplie.
Maints passages confirment que le peuple auquel s'adressait le prophète insistait qu'ils devaient partager avec lui sa joyeuse expectative du bien comme aussi son assurance que, bien qu'ils eussent affronté une grande tribulation, cela ne serait pas l'issue finale de leur temps d'épreuve. Le pouvoir de Dieu était encore agissant; Il les libérait de leurs ravisseurs, les Babyloniens (ou Chaldéens).
Il est clair que cet écrivain, qui consigne principalement en vers sa prophétie, était convaincu que quelque grande qu'apparut la puissance de l'empire babylonien, elle ne pouvait se comparer au pouvoir et à la majesté de la Divinité choisie par Israël. Les attaques répétées contre Jérusalem et la destruction finale de son temple que son contemporain Ézéchiel avait décrites d'une manière si vivante, auraient pu sembler marquer la fin des vœux et des aspirations des Hébreux. Mais l'enthousiasme intarissable de Deutéro-Ésaïe apportait à son propre peuple le courage et l'assurance que toute puissance et toute gloire appartenaient à Dieu et ne pourraient jamais être détruites, ni leurs effets annulés par une nation païenne quelconque ou par ses chefs.
Le peuple avait besoin d'appui, d'encouragement et d'amour ainsi que d'une promesse certaine de délivrance. Le prophète reçut l'inspiration de l'Éternel pour offrir tout ceci en abondance. On trouve la note dominante de son message dans les paroles qui ouvrent le chapitre 40: « Consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu. » De plus, au fur et à mesure du développement de son message, l'auteur assure son auditoire que: « La gloire de l'Éternel sera révélée... La parole de notre Dieu subsiste éternellement... Voici, le Seigneur, l'Éternel vient avec puissance, et de son bras il commande; voici, le salaire est avec lui, et les rétributions le précèdent » (versets 5, 8 et 10).
Elles sont d'une beauté probablement sans égale ces paroles du chapitre 40, qui ont été interprétées par les auteurs des quatre Évangiles comme prédisant la venue de Jean-Baptiste en tant que précurseur du Messie, Christ Jésus (voir Matth. 3:3; Marc 1:3; Luc 3:4; Jean 1:23). En fait, tout au long des seize chapitres attribués au Second Ésaïe, il se trouve des passages dont on garde précieusement le souvenir et que l'on cite souvent, passages qui s'élèvent à de grandes hauteurs d'inspiration, tandis que leur auteur cherche à éveiller de sa fausse confiance et de son noir désespoir la pensée des habitants et à les élever à la lumière de la foi et de la joie véritables du salut qu'il peut prévoir.
Lorsque le Second Ésaïe prédit la venue d'un homme juste « suscité de l'orient » (Ésaïe 41:2), il est possible qu'il ait fait allusion à Cyrus dont le règne inclut la chute de Babylone aux environs de 538 av. J.-C. Ce Cyrus, roi de Perse, est appelé l'« oint » de l'Éternel (45:1) et Son « berger... [disant] de Jérusalem: Qu'elle soit rebâtie ! et du temple: Qu'il soit fondé ! » (44:28; voir Esdras, chap. 1.)
Dans cette partie du livre du Second Ésaïe apparaît une série de passages poétiques souvent appelés « Chants du Serviteur » et presque certainement composés par le prophète lui-même. Dans ces poèmes (Ésaïe 42:1–4; 49:1–6; 50:4–9 et 52:13–53:12), l'Éternel est représenté comme nommant un délégué ou représentant pour les hommes — quelqu'un de reconnu comme le serviteur de l'Éternel.
Vivant à Babylone, avec les exilés, ce prophète était nettement conscient de l'idolâtrie stérile des sorciers chaldéens et autres, et en une satire mordante, il raille la fausseté de leurs prétendues déités. « Ils reculeront, ils seront confus, ceux qui se confient aux idoles taillées, cuex qui disent aux idoles de fonte: Vous êtes nos dieux ! » (42:17.) Au chapitre 44 se trouve un remarquable exemple de l'habileté de l'écrivain à montrer le contraste entre le dieu païen, sculpté de main d'homme dans un morceau du même arbre dont il se sert pour faire du feu, et l'Éternel qui a fait l'homme et toute la terre.
Le Second Ésaïe semble avoir eu un concept tellement profond de Dieu qu'il Le vit comme créateur de tout, attribuant à l'Éternel Lui-même les paroles inoubliables: « C'est moi qui ai fait la terre, et qui sur elle ai créé l'homme; c'est moi, ce sont mes mains qui ont déployé les cieux, et c'est moi qui ai disposé toute leur armée » (45:12).
Au chapitre 55, se trouve le défi lancé à son peuple, l'idéal élevé qu'il a pour eux: qu'ils reconnaissent la signification de leur héritage divin et leur mission universelle (voir versets 3–5).
On peut dire de Deutéro-Ésaïe qu'il présente, de la nature et du caractère de la Divinité, un tableau plus clair que n'importe quelle partie des Écritures hébraïques. Effectivement, il a été appelé l'Évangéliste de l'Ancien Testament, attirant maintes et maintes fois l'attention de son peuple sur la nécessité de chercher à se tourner vers leur Dieu et de Lui obéir. Son vibrant appel peut être résumé en ces mots qui se trouvent presqu'au début de son message sublime (40:9): « Voici votre Dieu ! »
On pouvait penser que lorsque les documents désignés sous le nom de « Manuscrits de la mer Morte » auraient été étudiés, les questions concernant les divers auteurs du livre d'Ésaïe seraient définitivement réglées, mais apparemment, même au second siècle av. J.-C., date du fameux manuscrit d'Ésaïe, le plus complet et le plus parfait de tous, Ésaïe, tel que nous le connaissons, était reconnu comme un tout. Ceci est peut-être dû au fait que dans chacune des trois divisions les plus évidentes du livre, on trouve une certaine unité dans son message, à savoir la relation existant entre les autres nations et Juda. Du 1er au 39e chapitre on peut trouver la description des rapports existant entre l'Assyrie et Juda; ceux entre Babylone et Juda forment le thème des chapitres 40 à 55; et aux chapitres 56 à 66 le monde païen est appelé à reconnaître la rédemption inhérente à la religion de Juda telle que l'auteur l'avait conçue.
